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– Non, certes, je ne le regretterai pas, surtout si cet entêté se rend enfin à l’évidence.

– À propos, dit Joe, vous savez que c’est aujourd’hui le pesage.

– Comment, le pesage ?

– Sans doute, mon maître, vous et moi, nous allons tous trois nous peser.

– Comme des jockeys!

– Comme des jockeys. Seulement, rassurez-vous, on ne vous fera pas maigrir si vous êtes trop lourd. On vous prendra comme vous serez.

– Je ne me laisserai certainement pas peser, dit l’Écossais avec fermeté.

– Mais, monsieur, il paraît que c’est nécessaire pour sa machine.

– Eh bien! sa machine s’en passera.

– Par exemple! et si, faute de calculs exacts, nous n’allions pas pouvoir monter!

– Eh parbleu! je ne demande que cela!

– Voyons, monsieur Kennedy, mon maître va venir à l’instant nous chercher.

– Je n’irai pas.

– Vous ne voudrez pas lui faire cette peine.

– Je la lui ferai.

– Bon! fit Joe en riant, vous parlez ainsi parce qu’il n’est pas là ; mais quand il vous dira face à face : «Dick (sauf votre respect), Dick, j’ai besoin de connaître exactement ton poids», vous irez, je vous en réponds.

– Je n’irai pas.»

En ce moment le docteur rentra dans son cabinet de travail où se tenait cette conversation ; il regarda Kennedy, qui ne se sentit pas trop à son aise.

«Dick, dit le docteur, viens avec Joe ; j’ai besoin de savoir ce que vous pesez tous les deux.

– Mais…

– Tu pourras garder ton chapeau sur ta tête. Viens.»

Et Kennedy y alla.

Ils se rendirent tous les trois à l’atelier de MM. Mittchell, où l’une de ces balances dites romaines avait été préparée. Il fallait effectivement que le docteur connût le poids de ses compagnons pour établir l’équilibre de son aérostat. Il fit donc monter Dick sur la plate-forme de la balance ; celui-ci, sans faire de résistance, disait à mi-voix :

«C’est bon! c’est bon! cela n’engage à rien.

– Cent cinquante-trois livres, dit le docteur, en inscrivant ce nombre sur son carnet.

– Suis-je trop lourd ?

– Mais non, monsieur Kennedy, répliqua Joe ; d’ailleurs, je suis léger, cela fera compensation.»

Et ce disant, Joe prit avec enthousiasme la place du chasseur ; il faillit même renverser la balance dans son emportement ; il se posa dans l’attitude du Wellington qui singe Achille à l’entrée d’Hyde-Park, et fut magnifique, même sans bouclier.

«Cent vingt livres, inscrivit le docteur…

– Eh! eh!» fit Joe avec un sourire de satisfaction. Pourquoi souriait-il ? Il n’eut jamais pu le dire.

«À mon tour, dit Fergusson, et il inscrivit cent trente-cinq livres pour son propre compte.

– À nous trois, dit-il, nous ne pesons pas plus de quatre cents livres.

– Mais, mon maître, reprit Joe, si cela était nécessaire pour votre expédition, je pourrais bien me faire maigrir d’une vingtaine de livres en ne mangeant pas.

– C’est inutile, mon garçon, répondit le docteur ; tu peux manger à ton aise, et voilà une demi-couronne pour te lester à ta fantaisie.»

VII. Détails géométriques. – Calcul de la capacité du ballon.

Détails géométriques. – Calcul de la capacité du ballon. – L’aérostat double. – L’enveloppe. – La nacelle. – L’appareil mystérieux. – Les vivres. – L’addition finale.

Le docteur Fergusson s’était préoccupé depuis longtemps des détails de son expédition. On comprend que le ballon, ce merveilleux véhicule destiné à le transporter par air, fût l’objet de sa constante sollicitude.

Tout d’abord, et pour ne pas donner de trop grandes dimensions à l’aérostat, il résolut de le gonfler avec du gaz hydrogène, qui est quatorze fois et demie plus léger que l’air. La production de ce gaz est facile, et c’est celui qui a donné les meilleurs résultats dans les expériences aérostatiques.

Le docteur, d’après des calculs très exacts, trouva que, pour les objets indispensables à son voyage et pour son appareil, il devait emporter un poids de quatre mille livres ; il fallut donc rechercher quelle serait la force ascensionnelle capable d’enlever ce poids, et, par conséquent, quelle en serait la capacité.

Un poids de quatre mille livres est représenté par un déplacement d’air de quarante-quatre mille huit cent quarante-sept pieds cubes[13], ce qui revient à dire que quarante-quatre mille huit cent quarante-sept pieds cubes d’air pèsent quatre mille livres environ.

En donnant au ballon cette capacité de quarante-quatre mille huit cent quarante-sept pieds cubes et en le remplissant, au lieu d’air, de gaz hydrogène, qui, quatorze fois et demie plus léger, ne pèse que deux cent soixante seize livres, il reste une rupture d’équilibre, soit une différence de trois mille sept cent vingt-quatre livres. C’est cette différence entre le poids du gaz contenu dans le ballon et le poids de l’air environnant qui constitue la force ascensionnelle de l’aérostat.

Toutefois, si l’on introduisait dans le ballon les quarante-quatre mille huit cent quarante pieds cubes de gaz dont nous parlons, il serait entièrement rempli ; or cela ne doit pas être, car à mesure que le ballon monte dans les couches moins denses de l’air, le gaz qu’il renferme tend à se dilater et ne tarderait pas à crever l’enveloppe. On ne remplit donc généralement les ballons qu’aux deux tiers.

Mais le docteur, par suite de certain projet connu de lui seul, résolut de ne remplir son aérostat qu’à moitié, et puisqu’il lui fallait emporter quarante-quatre mille huit cent quarante-sept pieds cubes d’hydrogène, de donner à son ballon une capacité à peu près double.

Il le disposa suivant cette forme allongée que l’on sait être préférable ; le diamètre horizontal fut de cinquante pieds et le diamètre vertical de soixante-quinze[14] ; il obtint ainsi un sphéroïde dont la capacité s’élevait en chiffres ronds à quatre-vingt-dix mille pieds cubes.

Si le docteur Fergusson avait pu employer deux ballons, ses chances de réussite se seraient accrues ; en effet, au cas où l’un vient à se rompre dans l’air, on peut en jetant du lest se soutenir au moyen de l’autre. Mais la manœuvre de deux aérostats devient fort difficile, lorsqu’il s’agit de leur conserver une force d’ascension égale.

Après avoir longuement réfléchi, Fergusson, par une disposition ingénieuse, réunit les avantages de deux ballons sans en avoir les inconvénients ; il en construisit deux d’inégale grandeur et les renferma l’un dans l’autre. Son ballon extérieur, auquel il conserva les dimensions que nous avons données plus haut, en contint un plus petit, de même forme, qui n’eût que quarante-cinq pieds de diamètre horizontal et soixante-huit pieds de diamètre vertical. La capacité de ce ballon intérieur n’était donc que de soixante-sept mille pieds cubes ; il devait nager dans le fluide qui l’entourait ; une soupape s’ouvrait d’un ballon à l’autre et permettait au besoin de les faire communiquer entre eux.

Cette disposition présentait cet avantage que, s’il fallait donner issue au gaz pour descendre, on laisserait échapper d’abord celui du grand ballon ; dût-on même le vider entièrement, le petit resterait intact ; on pouvait alors se débarrasser de l’enveloppe extérieure, comme d’un poids incommode, et le second aérostat, demeuré seul, n’offrait pas au vent la prise que donnent les ballons à demi dégonflés.

De plus, dans le cas d’un accident, d’une déchirure arrivée au ballon extérieur, l’autre avait l’avantage d’être préservé.

Les deux aérostats furent construits avec un taffetas croisé de Lyon enduit de gutta-percha. Cette substance gommo-résineuse jouit d’une imperméabilité absolue ; elle est entièrement inattaquable aux acides et aux gaz. Le taffetas fut juxtaposé en double au pôle supérieur du globe, où se fait presque tout l’effort.

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1661 mètres cubes.

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Cette dimension n’a rien d’extraordinaire : en 1784, à Lyon, M. Montgolfier construisit un aérostat dont la capacité était de 340 000 pieds cubes, ou 20 000 mètres cubes, et il pouvait enlever un poids de 20 tonnes, soit 20 000 kilogrammes.

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