» Au moment où nous sortions le cercueil du sarcophage, nous avons remarqué sur le côté les étranges protubérances que vous avez déjà vues; mais sur le moment, nous n'avons pas été en état d'expliquer leur présence. Il y avait quelques amulettes dans le sarcophage, mais aucune qui ait une valeur ou un sens particuliers. Nous nous sommes dit que s'il y en avait qui soient dans ce cas, elles se seraient trouvées à l'intérieur des bandelettes ou plus probablement dans le coffret étrange qui était sous les pieds de la momie. Mais toutefois, nous ne pouvions pas ouvrir ce dernier. Tout semblait indiquer qu'il comportait un couvercle; la partie supérieure et la partie inférieure étaient certainement chacun d'une seule pièce. La ligne mince, qui apparaissait près du haut, semblait indiquer le point de jonction du couvercle; mais il était ajusté avec tant de précision qu'on ne pouvait guère voir le joint. La partie supérieure ne pouvait certainement pas être enlevée. Nous avons admis qu'elle était, d'une façon ou d'une autre, fixée de l'intérieur.
» Nous avons séjourné dans les alentours de la Vallée de la Sorcière le temps de prendre une copie sommaire des dessins et des inscriptions qui se trouvaient sur les murs, le plafond et le sol. Nous avons pris avec nous la Stèle de lapis-lazuli, dont l'inscription gravée était colorée de pigment vermillon. Nous avons pris le sarcophage et la momie, le coffre de pierre avec les vases d'albâtre; les tables de jaspe sanguin, d'albâtre, d'onyx et de cornaline; l'oreiller d'ivoire reposant sur un arceau dont les pieds étaient entourés d'un uræus d'or ciselé. Nous avons pris tous les objets qui se trouvaient dans la Chapelle et dans la Fosse de la Momie, les bateaux de bois avec leur équipage, les amulettes symboliques.
» En nous éloignant, nous ôtâmes les échelles; nous les enfouîmes dans le sable à une certaine distance, en notant bien l'endroit pour pouvoir les retrouver le cas échéant. Puis, avec notre lourd bagage, nous partîmes dans notre pénible voyage pour regagner le Nil. Nous avions sorti la momie du sarcophage et par mesure de sécurité, nous l'avions mise pour la durée du voyage, dans une caisse séparée. Pendant la première nuit, il y eut deux tentatives pour voler les objets contenus dans notre chariot; et le matin, on trouva deux hommes morts.
» La deuxième nuit, il y eut une violente tempête, l'un de ces terribles simouns du désert qui vous laissent désemparé. Nous étions submergés par le sable que le vent avait apporté. Quelques-uns de nos Bédouins s'étaient enfuis avant la tempête, dans l'espoir de trouver un abri. Nous qui restions, nous avons subi l'épreuve, enroulés dans nos burnous, avec toute la patience dont nous étions capables. Au matin, une fois la tempête apaisée, nous avons récupéré sous des amoncellements de sable ce que nous avons pu de nos bagages. Nous avons trouvé, brisée en morceaux, la caisse dans laquelle se trouvait la momie, mais quant à celle-ci, impossible de la découvrir. Nous avons cherché partout, creusé le sable, qui s'était entassé autour de nous, mais en vain. Nous ne savions que faire, car Trelawny tenait absolument à rapporter cette momie. Nous avons attendu une journée entière, espérant que les Bédouins en fuite reviendraient; nous avions comme l'intuition aveugle qu'ils avaient sorti la momie du chariot d'une façon quelconque, et qu'ils la rendraient. Cette nuit-là, un peu avant l'aube, Mr. Trelawny me réveilla et me chuchota à l'oreille:
– Il faut que nous retournions au tombeau dans la Vallée de la Sorcière. Ne montrez aucune hésitation quand, dans la matinée, je donnerai les ordres. Si vous posez des questions sur l'endroit où nous nous rendons, cela fera naître des soupçons et ruinera notre projet.
» – Très bien, répondis-je. Mais pourquoi retourner là-bas?
» Sa réponse me fit frissonner comme si elle avait fait vibrer en moi une corde toute prête à réagir.
» – Nous trouverons la momie là-bas! J'en ai la certitude!
» Puis, s'attendant à ce que j'émette des doutes ou à ce que je discute, il ajouta:
» – Attendez, vous verrez! Et il s'enroula à nouveau dans sa couverture.
» Les Arabes furent surpris de nous voir revenir sur nos pas; certains d'entre eux en furent mécontents. Il y eut pas mal de frictions, et plusieurs désertions; si bien que c'est avec une escorte moins importante que nous sommes repartis vers l'est. Tout d'abord, le Cheik ne manifesta aucune curiosité pour notre destination précise. Mais quand il devint visible que nous nous dirigions de nouveau vers la vallée de la Sorcière, il parut à son tour préoccupé, et cela ne fit que s'aggraver à mesure que nous approchions du but. Jusqu'au moment où nous nous sommes trouvés à l'entrée de la vallée. Là, il s'arrêta et refusa d'aller plus loin. Il dit qu'il attendrait notre retour si nous choisissions de poursuivre notre chemin seuls. Il resterait trois jours; si, après ce délai, nous n'étions pas revenus, il s'en irait. Aucune offre d'argent ne put le tenter au point de le faire changer d'avis. La seule concession qu'il voulut bien nous faire, ce fut de retrouver les échelles et de les apporter au pied de la falaise. Il le fit; puis, avec le reste de la troupe, il retourna à l'entrée de la vallée pour nous y attendre.
» Mr. Trelawny et moi-même nous nous munîmes de cordes et de torches, et nous montâmes de nouveau jusqu'au tombeau. Il était évident que quelqu'un était venu en notre absence, car la dalle de pierre qui fermait l'entrée du tombeau était retombée à l'intérieur, et une corde pendait du sommet de la falaise. À l'intérieur, une autre corde plongeait dans la Fosse de la Momie. Nous nous sommes regardés, mais nous n'avons pas dit un mot. Nous avons fixé notre propre corde, et comme prévu, Trelawny descendit le premier, tandis que je le suivais immédiatement. Ce n'est qu'une fois que nous fûmes parvenus au fond de la fosse qu'une pensée me traversa l'esprit: il n'était pas impossible que nous fussions tombés dans une sorte de piège. Quelqu'un pouvait descendre par la corde fixée au sommet de la falaise, couper celle qui nous avait servi à descendre dans la fosse, et nous enterrer vivants. Cette pensée était horrifiante, mais il était trop tard pour faire quoi que ce fût. Je ne dis rien. La seule chose que nous avons pu remarquer, c'était le vide qui nous entourait. Malgré ses ornements magnifiques, le tombeau donnait une impression de désolation à cause de l'absence du grand sarcophage qui, pour être logé, avait nécessité qu'on taille dans le roc, du coffre aux vases d'albâtre, des tables sur lesquelles étaient posés le matériel et la nourriture destinés au mort, et des figurines ushaptiu.
» Le spectacle était rendu encore plus désolé par la présence de la momie de la Reine Tera qui gisait sur le sol à l'endroit où se trouvait antérieurement le grand sarcophage. À côté gisaient également, dans l'attitude convulsée attestant d'une mort violente, trois des Arabes qui avaient déserté. Leur visage était noir, leurs mains et leur cou étaient souillés du sang qui avait jailli de leur bouche, de leurs yeux et de leur nez.
» Ils portaient tous sur le cou la marque à présent noircie, d'une main à sept doigts.
» Nous nous sommes approchés, Trelawny et moi, et, tandis que nous regardions, nous étions tellement impressionnés et terrifiés que nous avons dû nous soutenir mutuellement.
» Car détail plus merveilleux que tous les autres, en travers de la poitrine de la reine momifiée, était posée une main à sept doigts, d'un blanc d'ivoire, dont le poignet présentait seulement une cicatrice, comme une ligne rouge irrégulière, et de laquelle semblaient tomber des gouttes de sang.