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» Les murs de la chambre supérieure de la Fosse et la Chambre du sarcophage étaient abondamment gravés; toutes les inscriptions, à l'exception de celle de la Stèle, étaient colorées d'un pigment bleu verdâtre. Quand on les voyait de côté, l'œil ne percevait que les facettes vertes, et cela faisait l'effet d'une vieille turquoise de l'Inde décolorée.

» Nous descendîmes dans la Fosse à l'aide de l'attirail que nous avions emporté. Trelawny passa le premier. C'était une fosse profonde, de plus de soixante-dix pieds; mais elle n'avait jamais été comblée. Le couloir ménagé au fond montait en pente jusqu'à la Chambre du sarcophage et était plus long que ceux qu'on trouve habituellement. Il n'avait pas été muré.

» À l'intérieur, nous avons trouvé un grand sarcophage de pierre jaune. Mais je n'ai pas besoin de le décrire: vous l'avez vu dans la chambre de Mr. Trelawny. Son couvercle était posé sur le sol; il n'avait pas été cimenté et était exactement tel que Van Huyn l'avait décrit. Inutile de le dire, nous étions très énervés quand nous avons regardé à l'intérieur. Il y avait, cependant, un motif de déception. Je ne pouvais m'empêcher de sentir combien était différent le spectacle rencontré par les yeux du voyageur hollandais, quand il avait regardé à l'intérieur et trouvé cette main blanche ayant toute l'apparence de la vie, et posée sur les bandelettes de la momie.

• Mais nous avons eu un sujet de saisissement que n'avait pas eu Van Huyn! Une partie du bras se trouvait là, blanche, couleur d'ivoire; mais l'extrémité du poignet était couverte de sang séché! C'était comme si le corps avait saigné après la mort! L'extrémité déchiquetée du poignet rompu était rugueuse du fait que du sang caillé s'y était déposé; l'os apparaissait, tout blanc, comme une opale dans sa gangue. Le sang avait coulé et fait des taches couleur de rouille sur les bandelettes. Nous avions sous les yeux une confirmation totale du récit. Devant un tel témoignage de la véracité du narrateur, nous ne pouvions plus douter de ce qu'il avait dit par ailleurs, comme du sang sur la main de la momie, ou des marques des sept doigts sur le cou du Cheik étranglé.

» Je ne vais pas vous importuner avec les détails de tout ce que nous avons vu, ou en vous racontant comment nous avons appris tout ce que nous savons. Ces connaissances appartiennent pour une part au savoir commun à tous les savants. Pour le reste, nous l'avons déchiffré sur la Stèle du tombeau, ou sur les sculptures et les peintures hiéroglyphiques des murs.

» La Reine Tera était le onzième souverain de la dynastie Thébaine qui a régné du vingt-neuvième au vingt-cinquième siècles, avant Jésus-Christ. Elle était la fille unique d'Antel, à qui elle succéda. Elle a dû être une femme d'un caractère extraordinaire et d'une étonnante habileté, car elle n'était qu'une toute jeune fille à la mort de son père. Sa jeunesse et son sexe encouragèrent l'ambition des prêtres, qui jouissaient d'une immense puissance. Du fait de leur richesse, de leur nombre, de leur instruction, ils dominaient toute l'Égypte, et plus spécialement la Haute Égypte Ils étaient alors prêts à faire un effort pour réaliser leur audacieux dessein depuis longtemps mûri transférer le gouvernement d'une royauté à une hiérarchie. Mais le Roi Antef avait soupçonné la possibilité d'une telle manœuvre et avait pris la précaution d'assurer à sa fille la fidélité de l'armée. Il lui avait également appris l'art de gouverner et l'avait même fait étudier dans les textes traditionnels des prêtres eux-mêmes. Il s'était appuyé sur les représentants d'un culte pour combattre l'autre; chacun espérait réaliser grâce à l'influence du Roi, un profit immédiat aux dépens de l'autre ou un profit ultérieur grâce à son influence sur sa fille. La Princesse avait ainsi été élevée au milieu des scribes, et elle était elle-même une artiste non négligeable. Un grand nombre de ces détails étaient relatés sur les murs au moyen de peintures ou d'hiéroglyphes d'une grande beauté; et nous arrivâmes à cette conclusion qu'en nombre appréciable, ces peintures et ces inscriptions avaient été faites par la Princesse elle-même. Ce n'était pas sans raison qu'elle était désignée sur la Stèle comme «Protectrice des Arts.»

» Mais le roi avait été beaucoup plus loin, et avait enseigné à sa fille la magie, ce qui lui donnait pouvoir sur le Sommeil et la Volonté. Il s'agissait de vraie magie – de magie «noire» – et non de la magie des temples qui, je peux vous l'expliquer, était une magie inoffensive ou blanche», et avait pour but d'impressionner plutôt que d'agir. Elle avait été une excellente élève, et elle avait surpassé ses professeurs. Son pouvoir et les ressources dont elle disposait lui avaient donné de grandes possibilités, qu'elle avait pleinement exploitées. Elle avait, par d'étranges moyens, arraché à la Nature ses secrets; et elle avait même été jusqu'à se placer elle-même dans le tombeau, après avoir été entourée de bandelettes, mise dans un cercueil où elle était restée pendant un mois entier comme une morte. Les prêtres avaient essayé de faire croire que la vraie Princesse Tera avait péri au cours de l'expérience, et qu'une autre jeune fille lui avait été substituée; mais elle avait prouvé leur erreur d'une manière incontestable. Tout cela était relaté dans des peintures et des textes écrits, d'une grande qualité. C'est probablement à son époque qu'a été donnée la première impulsion au rétablissement de la grandeur artistique de la Quatrième Dynastie qui a atteint la perfection à l'époque de Chafu.

» Dans la Chambre du sarcophage se trouvaient des fresques et des inscriptions tendant à prouver qu'elle avait vaincu le Sommeil. En un endroit elle était représentée en vêtements masculins, ceinte des Couronnes Blanche et Rouge. Sur la peinture suivante, elle était en habits féminins, mais toujours ceinte des deux couronnes, celle de la Haute et celle de la Basse Égypte, tandis que gisaient à ses pieds les vêtements masculins qu'elle avait dépouillés.

» La plus remarquable déclaration contenue dans ces annales, aussi bien sur la stèle que sur les inscriptions murales, était que la Reine Tera avait le pouvoir de plier les Dieux à sa volonté. Ce n'était pas, soit dit en passant, une croyance isolée dans l'histoire égyptienne, mais celle-ci avait une cause différente. Elle avait gravé sur un rubis, taillé en forme de scarabée, et brillant de sept étoiles à sept branches, les mots magiques pour contraindre à l'obéissance tous les Dieux, aussi bien ceux du Monde d'En-haut que du Monde d'En-bas.

» Dans cette déclaration, il était clairement dit que les prêtres avaient accumulé contre elle toutes leurs ressources de haine. Elle le savait. Après sa mort, ils essaieraient de faire disparaître son nom. C'était, je peux vous le dire, une terrible vengeance, si l'on en croit la mythologie égyptienne; car, sans un nom, personne ne peut, après sa mort, être présenté aux Dieux, on ne peut dire des prières pour lui. Elle se proposait donc d'obtenir sa résurrection après un temps très long et dans un pays situé plus au nord, sous la constellation dont les sept étoiles avaient présidé à sa naissance. Dans ce but, sa main devait être à l'air – «non enveloppée de bandelettes» – et elle devait tenir la Pierre des Sept Étoiles, de telle sorte que partout où il y avait de l'air, elle puisse se déplacer comme son Ka se déplaçait! Après y avoir réfléchi, Mr. Trelawny et moi-même, nous avons été d'accord pour le reconnaître. Cela signifiait que son corps pourrait devenir astral à son commandement et ainsi se déplacer, particule par particule, pour se reconstituer quand et où il le faudrait. Il y avait alors un texte dans lequel il était fait allusion à un coffre ou un cercueil où étaient contenus tous les Dieux, et la Volonté, et le Sommeil. Cette boîte était, disait-on, à sept faces. Nous ne fûmes donc pas très surpris de trouver, sous les pieds de la momie, un coffret à sept faces, que vous avez également vu dans la chambre de Mr. Trelawny. En dessous du tissu enveloppant le pied gauche était peint, dans le même vermillon que celui qui avait été utilisé pour la Stèle, le symbole hiéroglyphique pour une grande quantité d'eau, et sous le pied droit le symbole de la terre. Nous avons interprété ce symbolisme de la façon suivante son corps, immortel et transférable à sa volonté, régnait à la fois sur la terre et l'eau, sur l'air et le feu – ce dernier élément étant concrétisé par la lueur de la Pierre Précieuse et ensuite par le silex et le fer qui se trouvaient à l'extérieur des bandelettes de la momie.

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