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III. Le troisième est une colère précipitée. Un général qui ne sait pas se modérer, qui n'est pas maître de lui-même, et qui se laisse aller aux premiers mouvements d'indignation ou de colère, ne saurait manquer d'être la dupe des ennemis. Ils le provoqueront, ils lui tendront mille pièges que sa fureur l'empêchera de reconnaître, et dans lesquels il donnera infailliblement.

IV. Le quatrième est un point d'honneur mal entendu. Un général ne doit pas se piquer mal à propos, ni hors de raison; il doit savoir dissimuler; il ne doit point se décourager après quelque mauvais succès, ni croire que tout est perdu parce qu'il aura fait quelque faute ou qu'il aura reçu quelque échec. Pour vouloir réparer son honneur légèrement blessé, on le perd quelquefois sans ressources.

V. Le cinquième, enfin, est une trop grande complaisance ou une compassion trop tendre pour le soldat. Un général qui n'ose punir, qui ferme les yeux sur le désordre, qui craint que les siens ne soient toujours accablés sous le poids du travail, et qui n'oserait pour cette raison leur en imposer, est un général propre à tout perdre. Ceux d'un rang inférieur doivent avoir des peines; il faut toujours avoir quelque occupation à leur donner; il faut qu'ils aient toujours quelque chose à souffrir. Si vous voulez tirer parti de leur service, faites en sorte qu'ils ne soient jamais oisifs. Punissez avec sévérité, mais sans trop de rigueur. Procurez des peines et du travail, mais jusqu'à un certain point.

Un général doit se prémunir contre tous ces dangers. Sans trop chercher à vivre ou à mourir, il doit se conduire avec valeur et avec prudence, suivant que les circonstances l'exigent.

S'il a de justes raisons de se mettre en colère, qu'il le fasse, mais que ce ne soit pas en tigre qui ne connaît aucun frein.

S'il croit que son honneur est blessé, et qu'il veuille le réparer, que ce soit en suivant les règles de la sagesse, et non pas les caprices d'une mauvaise honte.

Qu'il aime ses soldats, qu'il les ménage, mais que ce soit avec discrétion.

S'il livre des batailles, s'il fait des mouvements dans son camp, s'il assiège des villes, s'il fait des excursions, qu'il joigne la ruse à la valeur, la sagesse à la force des armes; qu'il répare tranquillement ses fautes lorsqu'il aura eu le malheur d'en faire; qu'il profite de toutes celles de son ennemi, et qu'il le mette souvent dans l'occasion d'en faire de nouvelles.

Article IX De la distribution des moyens

Sun Tzu dit: Avant que de faire camper vos troupes, sachez dans quelle position sont les ennemis, mettez-vous au fait du terrain et choisissez ce qu'il y aura de plus avantageux pour vous. On peut réduire à quatre points principaux ces différentes situations.

I. Si vous êtes dans le voisinage de quelque montagne, gardez-vous bien de vous emparer de la partie qui regarde le nord; occupez au contraire le côté du midi: cet avantage n'est pas d'une petite conséquence. Depuis le penchant de la montagne, étendez-vous en sûreté jusque bien avant dans les vallons; vous y trouverez de l'eau et du fourrage en abondance; vous y serez égayé par la vue du soleil, réchauffé par ses rayons, et l'air que vous y respirerez sera tout autrement salubre que celui que vous respireriez de l'autre côté. Si les ennemis viennent par derrière la montagne dans le dessein de vous surprendre, instruit par ceux que vous aurez placé sur la cime, vous vous retirerez à loisir, si vous ne vous croyez pas en état de leur faire tête; ou vous les attendrez de pied ferme pour les combattre si vous jugez que vous puissiez être vainqueur sans trop risquer. Cependant ne combattez sur les hauteurs que lorsque la nécessité vous y engagera, surtout n'y allez jamais chercher l'ennemi.

II. Si vous êtes auprès de quelque rivière, approchez-vous le plus que vous pourrez de sa source; tâchez d'en connaître tous les bas-fonds et tous les endroits qu'on peut passer à gué. Si vous avez à la passer, ne le faites jamais en présence de l'ennemi; mais si les ennemis, plus hardis, ou moins prudents que vous, veulent en hasarder le passage, ne les attaquez point que la moitié de leurs gens ne soit de l'autre côté; vous combattrez alors avec tout l'avantage de deux contre un. Près des rivières mêmes tenez toujours les hauteurs, afin de pouvoir découvrir au loin; n'attendez pas l'ennemi près des bords, n'allez pas au-devant de lui; soyez toujours sur vos gardes de peur qu'étant surpris vous n'ayez pas un lieu pour vous retirer en cas de malheur.

III. Si vous êtes dans des lieux glissants, humides, marécageux et malsains, sortez-en le plus vite que vous pourrez; vous ne sauriez vous y arrêter sans être exposé aux plus grands inconvénients; la disette des vivres et les maladies viendraient bientôt vous y assiéger. Si vous êtes contraint d'y rester, tâchez d'en occuper les bords; gardez-vous bien d'aller trop avant. S'il y a des forêts aux environs, laissez-les derrière vous.

IV. Si vous êtes en plaine dans des lieux unis et secs, ayez toujours votre gauche à découvert; ménagez derrière vous quelque élévation d'où vos gens puissent découvrir au loin. Quand le devant de votre camp ne vous présentera que des objets de mort, ayez soin que les lieux qui sont derrière puissent vous offrir des secours contre l'extrême nécessité.

Tels sont les avantages des différents campements; avantages précieux, d'où dépend la plus grande partie des succès militaires. C'est en particulier parce qu'il possédait à fond l'art des campements que l'Empereur Jaune triompha de ses ennemis et soumit à ses lois tous les princes voisins de ses États

Il faut conclure de tout ce que je viens de dire que les hauteurs sont en général plus salutaires aux troupes que les lieux bas et profonds. Dans les lieux élevés mêmes, il y a un choix à faire: c'est de camper toujours du côté du midi, parce que c'est là qu'on trouve l'abondance et la fertilité. Un campement de cette nature est un avant-coureur de la victoire. Le contentement et la santé, qui sont la suite ordinaire d'une bonne nourriture prise sous un ciel pur, donnent du courage et de la force au soldat, tandis que la tristesse, le mécontentement et les maladies l'épuisent, l'énervent, le rendent pusillanime et le découragent entièrement.

Il faut conclure encore que les campements près des rivières ont leurs avantages qu'il ne faut pas négliger, et leurs inconvénients qu'il faut tâcher d'éviter avec un grand soin. Je ne saurais trop vous le répéter, tenez le haut de la rivière, laissez-en le courant aux ennemis. Outre que les gués sont beaucoup plus fréquents vers la source, les eaux en sont plus pures et plus salubres.

Lorsque les pluies auront formé quelque torrent, ou qu'elles auront grossi le fleuve ou la rivière dont vous occupez les bords, attendez quelque temps avant que de vous mettre en marche; surtout ne vous hasardez pas à passer de l'autre côté, attendez pour le faire que les eaux aient repris la tranquillité de leur cours ordinaire. Vous en aurez des preuves certaines si vous n'entendez plus un certain bruit sourd, qui tient plus du frémissement que du murmure, si vous ne voyez plus d'écume surnager, et si la terre ou le sable ne coulent plus avec l'eau.

Pour ce qui est des défilés et des lieux entrecoupés par des précipices et par des rochers, des lieux marécageux et glissants, des lieux étroits et couverts, lorsque la nécessité ou le hasard vous y aura conduit, tirez-vous-en le plus tôt qu'il vous sera possible, éloignez-vous-en le plus tôt que vous pourrez. Si vous en êtes loin, l'ennemi en sera près. Si vous fuyez, l'ennemi poursuivra et tombera peut-être dans les dangers que vous venez d'éviter.

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