Il faut que je me dénoue davantage. Physiquement, je suis bien dénoué, là. C'est mentalement, surtout. Allez, je me dénoue, je me dénoue.
Alors que je m'apprête, malgré ma sournoise promesse de chasteté, à entamer sans tarder les merveilleux préliminaires (tu es tombée dans la gueule du loup, petit chaperon rouge (le temps que je me dénoue, et tu vas voir)), elle se tourne vers moi, m'embrasse sur la joue et me prend la bite à pleine main.
En une seconde, je comprends tout. Je deviens génial, j’analyse aussi vite qu'un puissant ordinateur. C'est elle qui a mené la soirée comme elle le désirait, c'est elle qui m'a engourdi au restaurant, qui m'a fait monter ici, qui m'a conduit jusqu'au lit en bâillant. Ah la garce! Enfin non, c'est bien, au contraire. Sauf que… Saperlipopette, malgré mon cerveau très rapide je n'ai plus le temps de réfléchir car elle m'a pris la bite à pleine main et je bande aussitôt comme un jeune homme, c'est toujours ça de gagné mais je ne peux plus penser à rien d'autre. C'est parti pour les préliminaires!
En guise de préliminaires, elle me chevauche, s'écarte la chatte d'une main, oriente fermement ma bite émue de l'autre et s'empale dessus d'un bon coup avant que j'aie pu comprendre ce qu'elle avait l'intention de faire. Je suis plongé dans un tourbillon de miel chaud, instantanément englouti dans un bain de lave bouillante, je me pétrifie et fonds à la fois, pris dans le miel lave, je vois des éclairs multicolores, des flashes, des taches noires, et au loin la silhouette floue d'une femme qui monte et descend au-dessus de moi avec une ardeur animale. Il me semble l'entendre gémir. Elle s'enfonce violemment sur moi, elle m'avale et me brûle (j'ai cette sensation quelque part vers le milieu de mon corps).
Je tente de reprendre mes esprits. Bon, tant pis pour les préliminaires, je crois que nous sommes déjà passés à l'étape suivante. J'y vois plus clair. Elle est à califourchon sur moi, ses deux mains sont posées à plat sur mon torse, elle me griffe, elle s'appuie sur moi, fort, elle se mord les lèvres, elle se cambre légèrement lorsqu'elle monte et arrondit le bas du dos lorsqu'elle redescend pour s'empaler le plus loin possible, ses seins devant moi suivent le mouvement, plutôt petits, fermes et fragiles, de l'ivoire souple. Ses cheveux les caressent. Elle ouvre grands les yeux et les plante dans les miens comme si elle s'en servait pour me maintenir paralysé.
– Tu aimes ça? me demande-t-elle.
– Oui.
Il va bientôt falloir que j'essaie différentes positions pour déterminer habilement celle qu'elle préfère. Le temps que je me ressaisisse. Il ne faudra pas non plus que j'oublie de moduler la vitesse et la puissance de mes coups de reins en fonction de ce qu'elle aime. Quant aux gestes accessoires, je verrai un peu plus tard. Pour l'instant, je ne trouve rien de très utile à faire, je me contente de mettre mes mains sur ses hanches et de laisser mes bras le plus détendus possible afin de ne pas la gêner dans son action. Je commence à songer à ce que je pourrais lui dire comme cochonneries pour ne pas paraître complètement inactif, quand, d'une main experte, elle ôte mon sexe du sien, descend de moi comme d'un cheval et me dit:
– J'adore ce que tu me fais. Viens.
Elle se couche à côté de moi sur le dos, écarte largement les cuisses et se touche distraitement en m'attendant (je ne suis pas très prompt à réagir car, étant donné qu'elle a adoré ce que je lui faisais, je cherche ce que j'ai bien pu lui faire). Je finis par me mettre à genoux entre ses jambes (sans avoir résolu l'énigme) et contemple d'un œil ému l'écrin de soie chaude et humide où je vais venir loger le rubis de mon amour (beurk). Par quoi vais-je débuter, va-et-vient doux et romantiques, comme les vaguelettes sur une plage de l'île Maurice, ou bien puissants coups de boutoir, comme les béliers de la légion romaine contre les portes de Carthage? Je contemple d'un œil ému cette antichambre du bonheur, cette Vallée de la Joie dont parlait Lamartine.
– Viens. Baise-moi. Fort.
Je vais arrêter de réfléchir et d'anticiper, c'est superflu. Si je peux éviter les calculs et les tâtonnements, si elle préfère s'en charger, autant que je me laisse faire (même si ce n'est pas mon habitude), je pourrai ainsi concentrer toute mon énergie, toute mon attention sur ce moment précieux – je ne dois pas oublier que je couche pour la première fois avec Olive Sohn. Moi, celui qu'on appelait Miette. Donc je viens et je la baise, fort.
Elle se met aussitôt à gémir, plus fiévreusement que lorsqu'elle était sur moi, ouvre les jambes presque en grand écart, empoigne le drap de part et d'autre de sa tête, ses doigts se crispent, je lui défonce la chatte, elle serre les dents, ses yeux paraissent affolés, regardent de tous côtés comme si elle cherchait quelque chose, s'écarquillent encore, elle frappe le matelas, elle gronde, elle crie. De toute évidence, Olive Sohn a envie de jouir. Moi aussi, mais pas tout de suite. Sinon elle va m'en vouloir – elle a l'air très déterminée – et c'est la dernière chose au monde que je souhaiterais. Qu'elle m'en veuille. J'essaie de l'imaginer en thermos plein de pâtes, mais je m'en veux illico (comment puis-je songer à traiter ainsi la fille la plus inattendue que j'aie jamais rencontrée, la seule qui ne ressemble à personne – un thermos plein de pâtes…) et ça calme presto mes pulsions précoces. Je manque même d'en débander de honte (je voudrais me cacher dans un trou de souris). Heureusement, elle ne me laisse pas le temps de me recroqueviller:
– Je veux que tu me prennes à quatre pattes. Encore une fois, elle est prête avant moi (elle est d'une rapidité stupéfiante, elle se téléporte d'un point à un autre, c'est peut-être un fantôme, elle est partout et dans toutes les positions à la fois). Je me redresse péniblement. Par chance, la vue qu'elle m'offre en position de chienne est des plus érectogènes et j'oublie vite le thermos – il faut dire que ça n'a rien à voir. Allez, enchaînons, enchaînons, suivons le guide, je sens qu'elle s'impatiente. Je prends une profonde inspiration, lui saute dessus, lui rentre dedans et «tape au fond», comme elle me le demande avec insistance. S'ensuivent quelques minutes de grande émotion, durant lesquelles je dois m'efforcer de ne pas perdre la cadence qu'elle impose par ses encouragements sataniques («Baise-moi, baise-moi, défonce-moi, plus fort, plus fort, défonce-moi») et me borne, en ce qui concerne les fantaisies annexes, à respecter de mon mieux ses désirs («Frappe-moi les fesses», «Griffe-moi», «Mords-moi», «Tiens-moi par les cheveux, plus fort, tire-moi les cheveux!»). Je ressemble à une marionnette manipulée par un parkinsonien fou, je ressemble à un ouvrier débordé par le rythme effréné de sa machine, je me mélange les pinceaux (je lui tape une fois la tête au lieu des fesses), mais c'est si intense que je ne pense plus à rien et, malgré les apparences peut-être, je prends beaucoup de plaisir. Je n'ai jamais pris autant de plaisir avec une fille – la question ne se pose même pas. Je suis dépassé, submergé. Je suis dans le plaisir.
(À New York, cette fureur charnelle monte d'un cran, à Veules-les-Roses elle se transforme en bain de sang.)
Profitant d'un moment d'accalmie qui m'est absolument indispensable pour éviter la syncope ou la pulvérisation atomique, elle me dit d'une voix haletante mais sur un ton aussi tranquille que si nous discutions à la terrasse d'un bistrot:
– J'aimerais voir ce que tu es en train de me faire. J'aimerais voir ta bite qui entre dans ma chatte. C'est pas juste: vous, vous pouvez. Nous, les filles, jamais vraiment, dans aucune position. Ça m'exciterait, pourtant.
Tant pis pour la syncope probable, je me sens de nouveau d'humeur cavalière. C'est vrai que tu rates quelque chose, Olive. Physiquement je commence à flancher un peu, même si je fais encore illusion, mais moralement ça ne peut pas aller mieux.