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SCENE II – PHEDRE

PHEDRE

O toi, qui vois la honte où je suis descendue,

Implacable Vénus, suis-je assez confondue?

Tu ne saurais plus loin pousser ta cruauté.

Ton triomphe est parfait; tous tes traits ont porté.

Cruelle, si tu veux une gloire; nouvelle,

Attaque un ennemi qui te soit plus rebelle.

Hippolyte te fuit, et bravant ton courroux,

Jamais à tes autels n'a fléchi ses genoux.

Ton nom semble offenser ses superbes oreilles.

Déesse, venge-toi: nos causes sont pareilles.

Qu'il aime. Mais déjà tu reviens sur tes pas,

OEnone? On me déteste, on ne t'écoute pas.

SCENE III – PHEDRE, OENONE

OENONE

Il faut d'un vain amour étouffer la pensée,

Madame. Rappelez votre vertu passée.

Le Roi, qu'on a cru mort, va paraître à vos yeux;

Thésée est arrivé, Thésée est en ces lieux.

Le peuple, pour le voir, court et se précipite.

Je sortais par votre ordre, et cherchais Hippolyte,

Lorsque jusques au ciel mille cris élancés…

PHEDRE

Mon époux est vivant, OEnone, c'est assez.

J'ai fait l'indigne aveu d'un amour qui l'outrage,

Il vit. Je ne veux pas en savoir davantage.

OENONE

Quoi?

PHEDRE

Je te l'ai prédit, mais tu n'as pas voulu.

Sur mes justes remords tes pleurs ont prévalu.

Je mourais ce matin digne d'être pleurée;

J'ai suivi tes conseils, je meurs déshonorée.

OENONE

Vous mourez?

PHEDRE

Juste ciel! qu'ai-je fait aujourd'hui?

Mon époux va paraître, et son fils avec lui.

Je verrai le témoin de ma flamme adultère

Observer de quel front j'ose aborder son père,

Le coeur gros de soupirs qu'il n'a point écoutés,

L'oeil humide de pleurs par l'ingrat rebutés.

Penses-tu que sensible à l'honneur de Thésée,

Il lui cache l'ardeur dont je suis embrasée?

Laissera-t-il trahir et son père et son roi?

Pourra-t-il contenir l'horreur qu'il a pour moi?

Il se tairait en vain. Je sais mes perfidies,

Oenone, et ne suis point de ces femmes hardies

Qui goûtant dans le crime une tranquille paix,

Ont su se faire un front qui ne rougit jamais.

Je connais mes fureurs, je les rappelle toutes.

Il me semble déjà que ces murs, que ces voûtes

Vont prendre la parole, et prêts à m'accuser,

Attendent mon époux pour le désabuser.

Mourons. De tant d'horreurs qu'un trépas me délivre.

Est-ce un malheur si grand que de cesser de vivre?

La mort aux malheureux ne cause point d'effroi.

Je ne crains que le nom que je laisse après moi.

Pour mes tristes enfants quel affreux héritage!

Le sang de Jupiter doit enfler leur courage;

Mais quelque juste orgueil qu'inspire un sang si beau,

Le crime d'une mère est un pesant fardeau.

Je tremble qu'un discours, hélas! trop véritable,

Un jour ne leur reproche une mère coupable.

Je tremble qu'opprimés de ce poids odieux

L'un ni l'autre jamais n'ose lever les yeux.

OENONE

Il n'en faut point douter, je les plains l'un et l'autre;

Jamais crainte ne fut plus juste que la vôtre.

Mais à de tels affronts pourquoi les exposer?

Pourquoi contre vous-même allez-vous déposer?

C'en est fait: on dira que Phèdre, trop coupable,

De son époux trahi fuit l'aspect redoutable.

Hippolyte est heureux qu'aux dépens de vos jours

Vous-même en expirant appuyez ses discours.

A votre accusateur que pourrai-je répondre?

Je serai devant lui trop facile à confondre.

De son triomphe affreux je le verrai jouir,

Et conter votre honte à qui voudra l'ouïr.

Ah! que plutôt du ciel la flamme me dévore!

Mais ne me trompez point, vous est-il cher encore?

De quel oeil voyez-vous ce prince audacieux?

PHEDRE

Je le vois comme un monstre effroyable à mes yeux.

OENONE

Pourquoi donc lui céder une victoire entière?

Vous le craignez. Osez l'accuser la première

Du crime dont il peut vous charger aujourd'hui.

Qui vous démentira? Tout parle contre lui:

Son épée en vos mains heureusement laissée,

Votre trouble présent, votre douleur passée,

Son père par vos cris dès longtemps prévenu,

Et déjà son exil par vous-même obtenu.

PHEDRE

Moi, que j'ose opprimer et noircir l'innocence!

OENONE

Mon zèle n'a besoin que de votre silence.

Tremblante comme vous, j'en sens quelque remords.

Vous me verriez plus prompte affronter mille morts.

Mais puisque je vous perds sans ce triste remède,

Votre vie est pour moi d'un prix à qui tout cède.

Je parlerai. Thésée, aigri par mes avis,

Bornera sa vengeance à l'exil de son fils.

Un père en punissant, Madame, est toujours père.

Un supplice léger suffit à sa colère.

Mais le sang innocent dût-il être versé,

Que ne demande point votre honneur menacé?

C'est un trésor trop cher pour oser le commettre.

Quelque loi qu'il vous dicte, il faut vous y soumettre,

Madame, et pour sauver votre honneur combattu,

Il faut imoler tout, et même la vertu.

On vient, je vois Thésée.

PHEDRE

Ah! je vois Hippolyte,

Dans ses yeux insolents, je vois ma perte écrite.

Fais ce que tu voudras, je m'abandonne à toi.

Dans le trouble où je suis, je ne peux rien pour moi

SCENE IV – THESEE, HIPPOLYTE, PHEDRE, OENONE, THERAMENE

THESEE

La fortune à mes voeux cesse d'être opposée,

Madame, et dans vos bras met…

PHEDRE

Arrêtez, Thésée,

Et ne profanez point des transports si charmants.

Je ne mérite plus ces doux empressements.

Vous êtes offensé. La fortune jalouse

N'a pas en votre absence épargné votre épouse.

Indigne de vous plaire et de vous approcher,

Je ne dois désormais songer qu'à me cacher.

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