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SCENE II – THESEE, ARICIE, ISMENE

THESEE

Dieux, éclairez mon trouble, et daignez à mes yeux

Montrer la vérité, que je cherche en ces lieux.

ARICIE

Songe à tout, chère Ismène, et sois prête à la fuite.

SCENE III – THESEE, ARICIE

THESEE

Vous changez de couleur, et semblez interdite.

Madame! que faisait Hippolyte en ce lieu?

ARICIE

Seigneur, il me disait un éternel adieu.

THESEE

Vos yeux ont su dompter ce rebelle courage;

Et ses premiers soupirs sont votre heureux ouvrage.

ARICIE

Seigneur, je ne vous puis nier la vérité;

De votre injuste haine il n'a pas hérité;

Il ne me traitait point comme une criminelle.

THESEE

J'entends, il vous jurait une amour éternelle.

Ne vous assurez point sur ce coeur inconstant;

Car à d'autres que vous il en jurait autant.

ARICIE

Lui, Seigneur?

THESEE

Vous deviez le rendre moins volage;

Comment souffriez-vous cet horrible partage?

ARICIE

Et comment souffrez-vous que d'horribles discours

D'une si belle vie osent noircir le cours?

Avez-vous de son coeur si peu de connaissance?

Discernez-vous si mal le crime et l'innocence?

Faut-il qu'à vos yeux seuls un nuage odieux

Dérobe sa vertu qui brille à tous les yeux?

Ah! c'est trop le livrer à des langues perfides.

Cessez. Repentez-vous de vos voeux homicides;

Craignez, Seigneur, craignez que le ciel rigoureux

Ne vous haïsse assez pour exercer vos voeux.

Souvent dans sa colère il reçoit nos victimes;

Ses présents sont souvent la peine de nos crimes.

THESEE

Non, vous voulez en vain couvrir son attentat.

Votre amour vous aveugle en faveur de l'ingrat.

Mais j'en crois des témoins certains, irréprochables:

J'ai vu, j'ai vu couler des larmes véritables.

ARICIE

Prenez garde, Seigneur. Vos invincibles mains

Ont de monstres sans nombre affranchi les humains;

Mais tout n'est pas détruit, et vous en laissez vivre

Un… Votre fils, Seigneur, me défend de poursuivre.

Instruite du respect qu'il veut vous conserver,

Je l'affligerais trop si j'osais achever.

J'imite sa pudeur, et fuis votre présence

Pour n'être pas forcée de rompre le silence.

SCENE IV – THESEE

THESEE

Quelle est donc sa pensée? et que cache un discours

Commencé tant de fois, interrompu toujours?

Veulent-ils m'éblouir par une feinte vaine?

Sont-ils d'accord pour me metre à la gêne;?

Mais moi-même, malgré ma sévère rigueur,

Quelle plaintive voix crie au fond de mon coeur?

Une pitié secrète et m'afflige et m'étonne.

Une seconde fois interrogeons OEnone.

Je veux de tout le crime être mieux éclairci.

Gardes! qu'OEnone sorte, et vienne seule ici.

SCENE V – THESEE, PANOPE

PANOPE

J'ignore le projet que la reine médite,

Seigneur. Mais je crains tout du transport qui l'agite.

Un mortel désespoir sur son visage est peint;

La pâleur de la mort est déjà sur son teint.

Déjà, de sa présence avec honte chassée,

Dans la profonde mer OEnone s'est lancée.

On ne sait point d'où part ce dessein furieux;

Et les flots pour jamais l'ont ravie à nos yeux.

THESEE

Qu'entends-je?

PANOPE

Son trépas n'a point calmé la reine:

Le trouble semble croître en son âme incertaine.

Quelquefois, pour flatter ses secrètes douleurs,

Elle prend ses enfants et les baigne de pleurs;

Et soudain, renonçant à l'amour maternelle,

Sa main avec horreur les repousse loin d'elle.

Elle porte au hasard ses pas irrésolus;

Son oeil tout égaré ne nous reconnaît plus.

Elle a trois fois écrit, et changeant de pensée,

Trois fois elle a rompu sa lettre commencée.

Daignez la voir, Seigneur, daignez la secourir.

THESEE

O ciel! OEnone est morte, et Phèdre veut mourir?

Qu'on rappelle mon fils, qu'il vienne se défendre,

Qu'il vienne me parler, je suis prêt de l'entendre.

Ne précipite point tes funestes bienfaits,

Neptune; j'aime mieux n'être exaucé jamais.

J'ai peut-être trop cru des témoins peu fidèles;

Et j'ai trop tôt vers toi levé mes mains cruelles.

Ah! de quel désespoir mes voeux seraient suivis!

SCENE VI – THESEE, THERAMENE

THESEE

Théramène, est-ce toi? Qu'as-tu fait de mon fils?

Je te l'ai confié dès l'âge le plus tendre.

Mais d'où naissent les pleurs que je te vois répandre?

Que fait mon fils?

THERAMENE

O soins tardifs et superflus!

Inutile tendresse! Hippolyte n'est plus.

THESEE

Dieux!

THERAMENE

J'ai vu des mortels périr le plus aimable,

Et j'ose dire encor, Seigneur, le moins coupable.

THESEE

Mon fils n'est plus? Hé quoi! quand je lui tends les bras,

Les Dieux impatients ont hâté son trépas?

Quel coup me l'a ravi? Quelle foudre soudaine?

THERAMENE

A peine nous sortions des portes de Trézène,

Il était sur son char. Ses gardes affligés

Imitaient son silence, autour de lui rangés;

Il suivait tout pensif le chemin de Mycènes;

Sa main sur ses chevaux laissait flotter les rênes.

Ses superbes coursiers, qu'on voyait autrefois

Pleins d'une ardeur si noble obéir à sa voix,

L'oeil morne maintenant et la tête baissée,

Semblaient se conformer à sa triste pensée.

Un effroyable cri, sorti du fond des flots,

Des airs en ce moment a troublé le repos;

Et du sein de la terre une voix formidable

Répond en gémissant à ce cri redoutable.

Jusqu'au fond de nos coeurs notre sang s'est glacé;

Des coursiers attentifs le crin s'est hérissé.

Cependant sur le dos de la plaine liquide

S'élève à gros bouillons une montagne humide;

L'onde approche, se brise, et vomit à nos yeux,

Parmi des flots d'écume, un monstre furieux.

Son front large est armé de cornes menaçantes,

Tout son corps est couvert d'écailles jaunissantes,

Indomptable taureau, dragon impétueux,

Sa croupe se recourbe en replis tortueux.

Ses longs mugissements font trembler le rivage.

Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage,

La terre s'en émeut, l'air en est infecté,

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