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KRATOS.

Allons! Que tardes-tu? Vainement tu le prends en pitié. Ce dieu, en horreur aux dieux, qui a livré ton bien aux mortels, ne le hais-tu point?

HÈPHAISTOS.

Sang et amitié ont une grande force.

KRATOS.

Certes, mais peux-tu mépriser les ordres du père? Ne serait-ce pas plus effrayant?

HÈPHAISTOS.

Tu es toujours dur et plein d'audace.

KRATOS.

Le plaindre n'est point un remède. Qu'en sera-t-il? Ne t'émeus point vainement.

HÈPHAISTOS.

Ô travail très détestable de mes mains!

KRATOS.

Pourquoi? En vérité, je te dirai ceci: la cause de ses maux n'est point dans ton art.

HÈPHAISTOS.

Cette tâche! Que n'est-il donné à un autre de l'accomplir!

KRATOS.

Toutes choses sont permises aux dieux. Ceci leur est refusé. Nul n'est libre, si ce n'est Zeus.

HÈPHAISTOS.

Je le sais. Je n'ai rien à dire.

KRATOS.

Hâte-toi donc. Étreins-le de chaînes, de peur que le père ne sache que tu hésites.

HÈPHAISTOS.

Voici que les chaînes sont toutes prêtes.

KRATOS.

Saisis-les. A l'aide de ton marteau, avec une grande force, rive-les autour de ses bras. Cloue-le à ces roches.

HÈPHAISTOS.

Cela va être fait, et activement.

KRATOS.

Frappe plus fort! Étreins! Ne faiblis pas! Il est habile au point de sortir de l'inextricable.

HÈPHAISTOS.

Ce bras est lié indissolublement.

KRATOS.

Cloue solidement l'autre. Qu'il sache que son intelligence est moins prompte que celle de Zeus.

HÈPHAISTOS.

Certes, excepté lui, nul ne me blâmera.

KRATOS.

Maintenant, à travers sa poitrine, enfonce rudement la dent solide de ce coin d'acier.

HÈPHAISTOS.

Hélas, Hélas! Promètheus! Je me lamente sur tes maux.

KRATOS.

Tu tardes encore? Tu gémis sur les ennemis de Zeus! Crains de gémir sur toi-même.

HÈPHAISTOS.

Tu vois de tes yeux un spectacle horrible.

KRATOS.

Je vois qu'il subit l'équitable châtiment de son crime. Enchaîne-le autour des flancs et sous les aisselles.

HÈPHAISTOS.

Il le faut. Ne me commande donc plus.

KRATOS.

Je veux te commander et te harceler encore. Descends plus bas! Serre violemment les cuisses avec ces anneaux.

HÈPHAISTOS.

C'est fait, et promptement.

KRATOS.

Entrave fortement les pieds. Celui qui surveille ton travail est terrible.

HÈPHAISTOS.

Ta parole est aussi dure que ta face.

KRATOS.

Sois faible, mais ne me reproche ni la rudesse de ma nature, ni mon inflexibilité.

HÈPHAISTOS.

Partons. Tous ses membres sont enchaînés.

KRATOS, à Promètheus.

Maintenant, parle insolemment ici! Ravis ce qui est aux dieux pour le donner aux éphémères! Que peuvent les hommes pour t'affranchir de ton supplice? Les daimones t'ont mal nommé, en te nommant Promètheus. C'est un Promètheus qu'il te faudrait pour t'arracher de ces liens.

PROMÈTHEUS.

Ô aithèr divin, vents rapides, sources des fleuves, sourires infinis des flots marins! Et toi, Gaia, mère de toutes choses! Et toi qui, de tes yeux, embrasses l'orbe du monde, Hèlios! Je vous atteste! Regardez-moi! Étant un dieu, voyez ce que je souffre par les dieux. Voyez, accablé de ces ignominies, combien je devrai gémir dans le cours des années innombrables! Tel est le honteux enchaînement que le nouveau prytane des heureux a médité contre moi. Hélas, hélas! Je me lamente sur mon mal présent et futur. Quand viendra-t-il le terme fatal de mes misères? Qu'ai-je dit? Je prévois sûrement les choses qui seront. Il n'est point pour moi de calamité inattendue. Il convient de subir aisément la destinée qui m'est faite, sachant que la puissance de la nécessité est invincible. Mais je ne puis ni parler, ni me taire en cet état. J'ai augmenté le bien des mortels, et me voici, malheureux, lié à ces tourments! Dans une férule creuse j'ai emporté la source cachée du feu, maître de tous les arts, le plus grand bien qui soit pour les vivants. C'est pour ce crime que je souffre, attaché en plein air par ces chaînes!

Ah! ah! ah! Quel est ce bruit? Quelle est cette vague odeur qui se répand jusqu'à moi? Est-ce un dieu, un vivant, un être intermédiaire? Vient-il sur cette hauteur contempler mes misères? Que veut-il? Regardez le dieu enchaîné, outragé, l'ennemi de Zeus, en horreur à tous les autres dieux qui hantent la royale demeure de Zeus, à cause de son trop grand amour pour les vivants. Hélas, hélas! J'entends de nouveau le bruit de ces oiseaux qui approchent. L'aithèr vibre sous les battements légers des ailes. Tout ce qui vient à moi m'épouvante!

LE CHŒUR DES OKÉANIDES.

Strophe I.

Ne crains rien. Cette troupe d'ailes est ton amie qui vient en hâte vers cette roche, malgré la volonté paternelle. Des souffles rapides nous ont amenées. Le retentissement du son de l'acier a pénétré au fond de nos antres. Il a chassé la pudeur vénérable, et nous avons été emportées, pieds nus, sur ce char ailé.

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