Antistrophe.
Ô chers daimones, protecteurs de la ville, montrez que vous l'aimez, que vous avez le souci des autels publics et que vous les défendez. Souvenez-vous des nombreux sacrifices orgiaques célébrés par les citoyens.
ÉTÉOKLÈS.
Je vous le demande, insupportables brutes, détestées des sages! se prosterner en hurlant et en criant devant les images des dieux qui protégent la ville, est-ce ce qu'il y a de mieux à faire pour elle et pour le peuple assiégé? Plaise aux dieux que, dans le malheur ou dans la prospérité, je n'habite jamais avec aucune femme femelle! Si la fortune les favorise, leur impudence est intolérable; si la terreur les saisit, le mal n'en est que plus grand pour la ville et pour la maison. Maintenant, par votre tumulte et par vos courses insensées, voici que vous avez jeté le lâche découragement parmi les citoyens et que vous aidez grandement les forces de l'ennemi. Ainsi, nous nous déchirons nous-mêmes. C'est ce qui arrive quand on habite avec des femmes. Mais si quelqu'un n'obéit pas à mon ordre, homme ou femme ou ce qui tient le milieu, une sentence de mort sera rendue contre eux, et aucun n'échappera au supplice de la lapidation. Le souci de l'homme est que la femme ne se mêle pas de ce qui se passe au dehors. Si elle reste enfermée dans sa demeure, elle n'est d'aucun danger. As-tu entendu, ou n'as-tu pas entendu? Parlé-je à une sourde?
LE CHŒUR DES VIERGES.
Strophe I.
Ô cher enfant d'Oidipous, je me suis épouvantée en entendant le fracas des chars retentissants, tandis que les moyeux crient en tournant et que les chaînes des freins durcis au feu sonnent dans la bouche des chevaux, incessamment.
ÉTÉOKLÈS.
Quoi donc? Le marin trouve-t-il la voie du salut en se réfugiant de la proue à la poupe, pendant que la nef est assaillie par les flots de la mer?
LE CHŒUR DES VIERGES.
Antistrophe I.
Je suis accourue, me réfugiant auprès des images antiques des dieux, et confiante en eux, quand le retentissement de cette terrible pluie d'hiver s'est jeté sur nos portes. Alors, saisie de terreur, j'ai élevé mes supplications aux dieux, afin d'obtenir leur aide pour la ville.
ÉTÉOKLÈS.
Les priez-vous pour qu'ils défendent nos murailles contre la lance des ennemis?
LE CHŒUR DES VIERGES.
Certes, cela regarde les dieux.
ÉTÉOKLÈS.
Mais on dit que les dieux abandonnent une ville prise d'assaut.
LE CHŒUR DES VIERGES.
Strophe II.
Puisse, moi vivante, l'assemblée des dieux ne jamais l'abandonner! Que je ne voie jamais notre ville envahie par l'ennemi et en proie à l'ardent incendie!
ÉTÉOKLÈS.
N'amenez pas notre ruine en invoquant les dieux. Femmes! l'obéissance est la mère du salut. J'ai parlé.
LE CHŒUR DES VIERGES.
Antistrophe II.
Mais la puissance des dieux est au-dessus de tout. Souvent elle console dans le malheur et chasse de nos yeux les nuages suspendus des calamités amères.
ÉTÉOKLÈS.
Il appartient aux hommes d'égorger les victimes et de faire les sacrifices aux dieux quand l'ennemi approche. Vous ne devez que vous taire et rester enfermées dans vos demeures.
LE CHŒUR DES VIERGES.
Strophe III.
Nous habitons une ville encore invaincue par la protections des dieux, et nos murailles nous défendent de la multitude des ennemis. Pourquoi nous blâmer de notre piété?
ÉTÉOKLÈS.
Je ne vous blâme point d'honorer la race des dieux; mais n'empêchez point les citoyens de courir aux armes. Restez calmes, et ne vous épouvantez pas hors mesure.
LE CHŒUR DES VIERGES.
Antistrophe III.
Quand j'ai entendu ce fracas soudain, saisie de terreur je me suis réfugiée dans cette citadelle, retraite vénérable.
ÉTÉOKLÈS.
Maintenant, si vous entendez parler de morts et de blessés, ne vous répandez pas en lamentation sur eux, car Arès se repaît du carnage des vivants.
LE CHŒUR DES VIERGES.
Ah! j'entends le hennissement des chevaux!
ÉTÉOKLÈS.
Entendez-le, mais gardez vous de l'entendre trop!
LE CHŒUR DES VIERGES.
La citadelle gémit dans ses fondements, enveloppée d'ennemis.
ÉTÉOKLÈS.
C'est à moi de m'en occuper.
LE CHŒUR DES VIERGES.
Je meurs d'épouvante; le bruit s'accroît aux portes.
ÉTÉOKLÈS.
Ne vous tairez-vous point? N'en dites rien dans la ville.
LE CHŒUR DES VIERGES.
Ô vous tous, ô dieux, ne livrez pas nos murailles!
ÉTÉOKLÈS.
Misérables! ne vous tairez-vous pas?
LE CHŒUR DES VIERGES.
Ô dieux de la ville, gardez-nous d'être réduites en servitude!
ÉTÉOKLÈS.
C'est vous qui nous réduisez en servitude, moi et toute la ville.
LE CHŒUR DES VIERGES.
Ô Zeus tout-puissant, lance ton trait contre nos ennemis!
ÉTÉOKLÈS.
Ô Zeus, pourquoi as tu créé cette race de femmes!
LE CHŒUR DES VIERGES.
Nous serons aussi misérables que les hommes, si la ville est prise.