Antistrophe IV.
La ville de Kissia répondrait à ce cri, hélas! et la foule des femmes le répéterait en déchirant leurs vêtements de lin!
Strophe V.
Toute l'armée, cavaliers et hommes de pied, comme un essaim d'abeilles, s'en est allée avec le chef des troupes, traversant la mer, sur ce prolongement commun, de l'une et l'autre terre.
Antistrophe V.
Les lits sont trempés des larmes que fait verser le regret des hommes. Les femmes Perses sont en proie à une grande douleur. Chacune, regrettant son mari, reste solitaire, ayant perdu le brave guerrier compagnon de son lit.
Allons, ô Perses! nous qui sommes assis dans ces antiques et vénérables demeures, ayons le grave souci des pensées profondes, car la nécessité nous presse.
Quelle est la destinée du roi Xerxès, né de Daréios, qui porte comme nous le nom de celui dont nous sommes tous issus? Est-ce au jet des flèches que la victoire est restée, ou à la force de la lance au fer aigu?
Mais voici la lumière, resplendissante comme l'œil des dieux, la mère du roi, notre reine! Prosternons-nous. Il faut que tous la saluent avec des paroles respectueuses. – O reine, la plus haute de toutes les Perses à la large ceinture, mère vénérable de Xerxès, salut, épouse de Daréios, épouse du dieu des Perses et mère d'un dieu! Puisse l'antique fortune de ce peuple ne point changer maintenant!
ATOSSA.
C'est pour cela que je viens ici, quittant mes demeures enrichies d'or et le lit nuptial commun à Daréios et à moi. L'inquiétude trouble mon cœur. Je vous dirai tout, je ne suis point tranquille, et je tremble que cette grande prospérité, promptement enfuie, ne bouleverse du pied les richesses que Daréios a amassées, non sans l'aide de quelque dieu. C'est pourquoi j'ai une double inquiétude inexprimable dans le cœur. Certes, d'immenses richesses, quand le maître est absent, sont inutiles; mais la puissance de ceux qui les ont perdues ne brille plus du même éclat. A la vérité, les nôtres sont encore intactes, mais je crains pour les yeux! car l'œil d'une demeure, je pense, c'est la présence du maître. Les choses étant ainsi, je veux être conseillée par vous, Perses, fidèles vieillards. Certes, tous les sages conseils doivent me venir de vous.
LE CHŒUR DES VIEILLARDS.
Sache ceci, reine de cette terre: tu n'auras pas à dire deux fois si tu veux que nous parlions ou que nous agissions, autant que nous en aurons le pouvoir. Certes, nous te sommes dévoués, nous que tu nommes tes conseillers.
ATOSSA.
J'ai coutume, à la vérité, d'être agitée par de nombreux songes nocturnes, depuis que mon enfant est parti conduisant son armée dans la terre des Iaônes, plein du désir de la dévaster; mais aucun ne s'est manifesté plus clairement que celui de cette dernière nuit. Je te le raconterai.
Deux femmes richement vêtues me sont apparues. L'une portait la robe des Perses, l'autre celle des Dôriens, Elles étaient plus irréprochables par la majesté de leurs corps et beaucoup plus belles que les femmes qui vivent maintenant. C'étaient deux sœurs d'une même race. Elles habitaient, l'une la terre de Hellas, qui était son partage, l'autre la terre des barbares. Elles se querellaient, à ce qu'il me sembla. Mon fils, voyant cela, les retenait et les apaisait. Il les mit toutes deux sous le même joug et il lia leurs cous des mêmes courroies. L'une, à la vérité, se redressait orgueilleusement, toute fière de ce harnais, et sa bouche acceptait le mors; mais l'autre, s'agitant furieuse, rompait de ses mains les liens du char, et, débarrassée des rênes, ayant brisé le joug par le milieu, entraînait le tout avec une grande violence. Et mon fils tomba, et son père Daréios se tenait près de lui en le plaignant, et, dès que Xerxès le vit, il déchira ses vêtements.
Certes, voilà ce que j'ai vu cette nuit. Ayant quitté mon lit, je lavai mes mains dans une eau pure, et je m'approchai de l'autel pour y sacrifier, et j'offris le gâteau de fleur de farine aux daimones qui garantissent des calamités, et je vis un aigle se réfugier au foyer de Phoibos, et je restai muette de terreur, amis! Puis, je vis un épervier, se ruant de ses ailes rapides, déchirer la tête de l'aigle avec ses ongles. Et l'aigle épouvanté s'abandonnait à l'épervier. Ces choses terribles que j'ai vues vous les entendez. Certes, sachez-le, si mon fils a une heureuse fortune, il sera le plus glorieux des hommes. S'il lui arrive malheur, il n'aura nuls comptes à rendre, et, s'il survit, il commandera toujours sur cette terre.
LE CHŒUR DES VIEILLARDS.
Nous ne voulons, mère, ni t'inquiéter par nos paroles, ni te rassurer. Prie les dieux. Si tu as vu quelque chose de sinistre, supplie-les de le détourner de toi, et qu'ils accomplissent tout ce qu'il y a d'heureux pour toi, pour tes enfants, pour le royaume et pour tes amis! Puis, il te faut faire des libations à la terre et aux morts. Prie aussi pour que ton époux Daréios, que tu as vu, dis-tu, dans ton sommeil, envoie à la lumière, du fond de la terre, les prospérités à toi et à ton fils, et pour qu'il retienne et cache les calamités dans les ténèbres souterraines. Divinateur bienveillant, je te donne ces conseils; mais je crois que toutes ces choses sont d'un heureux présage.
ATOSSA.
Le premier tu as interprété mes songes avec bienveillance pour mon fils et pour ma maison. Que tout arrive pour le mieux! Certes, Je le veux, et dès que je serai rentrée dans la demeure, je ferai, comme tu me le conseilles, des sacrifices aux dieux et à ceux que j'aime et qui sont sous la terre. Mais, en attendant, ô amis, où dit-on qu'Athèna est située?
LE CHŒUR DES VIEILLARDS.
Loin d'ici, vers l'occident, là où le roi Hèlios se couche.
ATOSSA.
Et mon fils était plein du désir de prendre cette ville?
LE CHŒUR DES VIEILLARDS.
Certes, car toute la terre de Hellas serait soumise au roi.
ATOSSA.
Sans doute ce peuple abonde en guerriers?
LE CHŒUR DES VIEILLARDS.
C'est une armée qui a déjà causé des maux sans nombre aux Mèdes.
ATOSSA.
Et que possèdent-ils encore? Ont-ils d'assez grandes richesses?
LE CHŒUR DES VIEILLARDS.
Ils ont une source d'argent, trésor de la terre.
ATOSSA.
Est-ce la pointe des flèches et l'arc qui brillent dans leurs mains?