Un peu de repos succéda à ces cruelles orgies; on me laissa respirer quelques instants; j'étais moulue, mais ce qui me surprit, ils guérirent mes plaies en moins de temps qu'ils n'en avaient mis à les faire; il n'en demeura pas la plus légère trace. Les lubricités se reprirent.
Il y avait des instants où tous ces corps semblaient n'en faire qu'un, et où Saint-Florent, amant et maîtresse, recevait avec profusion ce que l'impuissant Cardoville ne prêtait qu'avec économie; le moment d'après, n'agissant plus, mais se prêtant de toutes les manières, et sa bouche et son cul servaient d'autels à d'affreux hommages. Cardoville ne peut tenir à tant de tableaux libertins. Voyant son ami déjà tout en l'air, il vient s'offrir à sa luxure: Saint-Florent en jouit; j'aiguise les flèches, je les présente aux lieux où elles doivent s'enfoncer, et mes fesses exposées servent de perspective à la lubricité des uns, de plastron à la cruauté des autres: enfin nos deux libertins, devenus plus sages par la peine qu'ils ont à réparer, sortent de là sans aucune perte, et dans un état propre à m'effrayer plus que jamais.
– Allons, La Rose, dit Saint-Florent, prends cette gueuse et rétrécis-la-moi.
Je n'entendais pas cette expression: une cruelle expérience m'en découvrit bientôt le sens. La Rose me saisit, il me place les reins sur une sellette qui n'a pas un pied de diamètre; là, sans autre point d'appui, mes jambes tombent d'un côté, ma tête et mes bras de l'autre; on fixe mes quatre membres à terre dans le plus grand écart possible; le bourreau qui va rétrécir les voies s'arme d'une longue aiguille au bout de laquelle est un fil ciré, et sans s'inquiéter ni du sang qu'il va répandre, ni des douleurs qu'il va m'occasionner, le monstre, en face des deux amis que ce spectacle amuse, ferme, au moyen d'une couture, l'entrée du temple de l'Amour; il me retourne dès qu'il a fini, mon ventre porte sur la sellette; mes membres pendent, on les fixe de même, et l'autel indécent de Sodome se barricade de la même manière: je ne vous parle point de mes douleurs, madame, vous devez vous les peindre; je fus prête à m'en évanouir.
– Voilà comme il me les faut, dit Saint-Florent, quand on m'eut replacée sur les reins et qu'il vit bien à sa portée la forteresse qu'il voulait envahir. Accoutumé à ne cueillir que des prémices, comment sans cette cérémonie pourrais-je recevoir quelques plaisirs de cette créature?
Saint-Florent était dans la plus violente érection, on l'étrillait pour la soutenir; il s'avance, la pique à la main; sous ses regards, pour l'exciter encore, Julien jouit de Cardoville; Saint-Florent m'attaque: enflammé par les résistances qu'il trouve, il pousse avec une incroyable vigueur, les fils se rompent, les tourments de l'enfer n'égalent pas les miens; plus mes douleurs sont vives, plus paraissent piquants les plaisirs de mon persécuteur. Tout cède enfin à ses efforts, je suis déchirée, le dard étincelant a touché le fond, mais Saint-Florent, qui veut ménager ses forces, ne fait que l'atteindre; on me retourne, mêmes obstacles; le cruel les observe en se polluant, et ses mains féroces molestent les environs pour être mieux en état d'attaquer la place. Il s'y présente, la petitesse naturelle du local rend les attaques bien plus vives, mon redoutable vainqueur a bientôt brisé tous les freins; je suis en sang; mais qu'importe au triomphateur? Deux vigoureux coups de reins le placent au sanctuaire, et le scélérat y consomme un sacrifice affreux dont je n'aurais pas supporté un instant de plus les douleurs.
– A moi! dit Cardoville, en me faisant détacher, je ne la coudrai pas, la chère fille, mais je vais la placer sur un lit de camp qui lui rendra toute la chaleur, toute l'élasticité que son tempérament ou sa vertu nous refuse.
La Rose sort aussitôt d'une grande armoire une croix diagonale d'un bois très épineux. C'est là-dessus que cet insigne débauché veut qu'on me place; mais par quel épisode va-t-il améliorer sa cruelle jouissance? Avant de m'attacher, Cardoville fait pénétrer lui-même dans mon derrière une boule argentée de la grosseur d'un œuf; il l'y enfonce à force de pommade; elle disparaît. A peine est-elle dans mon corps, que je la sens gonfler, et devenir brûlante; sans écouter mes plaintes, je suis fortement garrottée sur ce chevalet aigu. Cardoville pénètre en se collant à moi; il presse mon dos, mes reins et mes fesses sur les pointes qui les supportent. Julien se place également dans lui. Obligée seule à supporter le poids de ces deux corps, et n'ayant d'autre appui que ces maudits nœuds qui me disloquent, vous vous peignez facilement mes douleurs; plus je repousse ceux qui me pressent, plus ils me rejettent sur les inégalités qui me lacèrent. Pendant ce temps, la terrible boule, remontée jusqu'à mes entrailles, les crispe, les brûle et les déchire; je jette les hauts cris: il n'est point d'expressions dans le monde qui puissent peindre ce que j'éprouve. Cependant mon bourreau jouit; sa bouche, imprimée sur la mienne, semble respirer ma douleur pour en accroître ses plaisirs: on ne se représente point son ivresse, mais à l'exemple de son ami, sentant ses forces prêtes à se perdre, il veut avoir tout goûté avant qu'elles ne l'abandonnent. On me retourne, la boule que l'on m'avait fait rendre va produire au vagin le même incendie qu'elle alluma dans les lieux qu'elle quitte; elle descend, elle brûle jusqu'au fond de la matrice: on ne m'en attache pas moins sur le ventre à la perfide croix, et des parties bien plus délicates vont se molester sur les nœuds qui les reçoivent. Cardoville pénètre au sentier défendu; il le perfore pendant qu'on jouit également de lui. Le délire s'empare enfin de mon persécuteur, ses cris affreux annoncent le complément de son crime; je suis inondée, l'on me détache.
– Allons, mes amis, dit Cardoville aux deux jeunes gens, emparez-vous de cette catin, et jouissez-en à votre caprice; elle est à vous, nous vous l'abandonnons.
Les deux libertins me saisissent. Pendant que l'un jouit du devant, l'autre s'enfonce dans le derrière; ils changent et rechangent encore; je suis plus déchirée de leur prodigieuse grosseur que je ne l'ai été du brisement des artificieuses barricades de Saint-Florent; et lui et Cardoville s'amusent de ces jeunes gens pendant qu'ils s'occupent de moi. Saint-Florent sodomise La Rose qui me traite de la même manière, et Cardoville en fait autant à Julien qui s'excite chez moi dans un lieu plus décent. Je suis le centre de ces abominables orgies, j'en suis le point fixe et le ressort; déjà quatre fois chacun, La Rose et Julien ont rendu leur culte à mes autels, taudis que Cardoville et Saint-Florent, moins vigoureux ou plus énervés, se contentent d'un sacrifice à ceux de mes amants. C'est le dernier, il était temps, j'étais prête à m'évanouir:
– Mon camarade vous a fait bien du mal, Thérèse, me dit Julien, et moi je vais tout réparer.
Muni d'un flacon d'essence, il m'en frotte à plusieurs reprises. Les traces des atrocités de mes bourreaux s'évanouissent, mais rien n'apaise mes douleurs; je n'en éprouvai jamais d'aussi vives.
– Avec l'art que nous avons pour faire disparaître les vestiges de nos cruautés, celles qui voudraient se plaindre de nous n'auraient pas beau jeu, n'est-ce pas, Thérèse? me dit Cardoville. Quelles preuves offriraient-elles de leurs accusations?
– Oh! dit Saint-Florent, la charmante Thérèse n'est pas dans le cas des plaintes; à la veille d'être elle-même immolée, ce soit des prières que nous devons attendre d'elle, et non pas des accusations.
– Qu'elle n'entreprenne ni l'une ni l'autre, répliqua Cardoville; elle nous inculperait sans être entendue: la considération, la prépondérance que nous avons dans cette ville ne permettraient pas qu'on prît garde à des plaintes qui reviendraient toujours à nous, et dont nous serions en tout temps les maîtres. Son supplice n'en serait que plus cruel et plus long. Thérèse doit sentir que nous nous sommes amusés de son individu par la raison naturelle et simple qui engage la force à abuser de la faiblesse; elle doit sentir qu'elle ne peut échapper à son jugement; qu'il doit être subi; qu'elle le subira; que ce serait en vain qu'elle divulguerait sa sortie de prison cette nuit: on ne la croirait pas; le geôlier, tout à nous, la démentirait aussitôt. Il faut donc que cette belle et douce fille, si pénétrée de la grandeur de la providence, lui offre en paix tout ce qu'elle vient de souffrir et tout ce qui l'attend encore; ce seront comme autant d'expiations aux crimes affreux qui la livrent aux lois. Reprenez vos habits, Thérèse, il n'est pas encore jour, les deux hommes qui vous ont amenée vont vous reconduire dans votre prison.
Je voulus dire un mot, je voulus me jeter aux genoux de ces ogres, ou pour les adoucir, ou pour leur demander la mort. Mais on m'entraîne et l'on me jette dans un fiacre où mes deux conducteurs s'enferment avec moi; à peine y furent-ils que d'infâmes désirs les enflamment encore.
– Tiens-la-moi, dit Julien à La Rose, il faut que je la sodomise; je n'ai jamais vu de derrière où je fusse plus voluptueusement comprimé; je te rendrai le même service.
Le projet s'exécute, j'ai beau vouloir me défendre, Julien triomphe, et ce n'est pas sans d'affreuses douleurs que je subis cette nouvelle attaque: la grosseur excessive de l'assaillant, le déchirement de ces parties, les feux dont cette maudite boule a dévoré mes intestins, tout contribue à me faire éprouver des tourments renouvelés par La Rose dès que son camarade a fini. Avant que d'arriver, je fus donc encore une fois victime du libertinage criminel de ces indignes valets. Nous entrâmes enfin. Le geôlier nous reçut; il était seul, il faisait encore nuit, personne ne me vit rentrer.
– Couchez-vous, me dit-il, Thérèse, en me remettant dans ma chambre, et si jamais vous vouliez dire à qui que ce fût que vous êtes sortie cette nuit de prison, souvenez-vous que je vous démentirais, et que cette inutile accusation ne vous tirerait pas d'affaire…