– Thérèse, dit alors Saint-Florent en me montrant Cardoville, voilà votre juge, voilà l'homme dont vous dépendez; nous avons raisonné de votre affaire; mais il me semble que vos crimes sont d'une nature à ce que l'accommodement soit bien difficile.
– Elle a quarante-deux témoins contre elle, dit Cardoville assis sur les genoux de Julien, le baisant sur la bouche, et permettant à ses doigts sur ce jeune homme les attouchements les plus immodestes; nous n'avons condamné personne à mort depuis longtemps dont les crimes soient mieux constatés!
– Moi, des crimes constatés?
– Constatés ou non, dit Cardoville en se levant et venant effrontément me parler sous le nez, tu seras brûlée, p…, si par une entière résignation, par une obéissance aveugle, tu ne te prêtes à l'instant à tout ce que nous allons exiger de toi.
– Encore des horreurs, m'écriai-je; eh quoi! ce ne sera donc qu'en cédant à des infamies que l'innocence pourra triompher des pièges que lui tendent les méchants!
– Cela est dans l'ordre, reprit Saint-Florent; il faut que le plus faible cède aux désirs du plus fort, ou qu'il soit victime de sa méchanceté: c'est votre histoire. Thérèse, obéissez donc.
Et en même temps ce libertin retroussa lestement mes jupes. Je me reculai, je le repoussai avec horreur, mais étant tombée par mon mouvement dans les bras de Cardoville, celui-ci, s'emparant de mes mains, m'exposa dès lors sans défense aux attentats de son confrère… On coupa les rubans de mes jupes, on déchira mon corset, mon mouchoir de cou, ma chemise, et dans l'instant je me trouvai sous les yeux de ces monstres aussi nue qu'en arrivant au monde.
– De la résistance? disaient-ils l'un et l'autre en procédant à me dépouiller… de la résistance?… cette catin imagine pouvoir nous résister?…
Et pas un vêtement ne s'arrachait qu'il ne fût suivi de quelques coups.
Dès que je fus dans l'état qu'ils voulaient, assis tous deux sur des fauteuils cintrés, et qui s'accrochant l'un à l'autre resserraient, au milieu de leur espace vide, le malheureux individu qu'on y plaçait, ils m'examinèrent à loisir: pendant que l'un observait le devant, l'autre considérait le derrière; puis ils changeaient, et rechangeaient encore. Je fus ainsi lorgnée, maniée, baisée plus d'une demi-heure, sans qu'aucun épisode lubrique fût négligé dans cet examen, et je crus voir qu'en ce qui s'agissait de préliminaires, tous deux avaient à peu près les mêmes fantaisies.
– Eh bien! dit Saint-Florent à son ami, ne t'avais-je pas dit qu'elle avait un beau cul!
– Oui, parbleu! son derrière est sublime, dit le robin qui le baisait pour lors: j'ai fort peu vu de reins moulés comme ceux-là; c'est que c'est dur, c'est que c'est frais!… comment cela s'arrange-t-il avec une vie si débordée?
– Mais c'est qu'elle ne s'est jamais livrée d'elle-même; je te l'ai dit, rien de plaisant comme les aventures de cette fille! On ne l'a jamais eue qu'en la violant (et alors il enfonce ses cinq doigts réunis dans le péristyle du temple de l'Amour), mais on l'a eue… malheureusement, car c'est beaucoup trop large pour moi: accoutumé à des prémices, je ne pourrais jamais m'arranger de cela.
Puis, me retournant, il fit la même cérémonie à mon derrière, auquel il trouva le même inconvénient.
– Eh bien! dit Cardoville, tu sais le secret.
– Aussi m'en servirai-je, répondit Saint-Florent, et toi qui n'as pas besoin de cette même ressource, toi qui te contentes d'une activité factice qui, quelque douloureuse qu'elle soit pour une femme, perfectionne pourtant aussi bien la jouissance, tu ne l'auras qu'après moi, j'espère.
– Cela est juste, dit Cardoville, je m'occuperai, en t'observant, de ces préludes si doux à ma volupté,; je ferai la fille avec Julien et La Rose, pendant que tu masculiniseras Thérèse, et l'un vaut bien l'autre, je pense.
– Mille fois mieux sans doute; je suis si dégoûté des femmes!… t'imagines-tu qu'il me fût possible de jouir de ces catins-là sans les épisodes qui nous aiguillonnent si bien l'un et l'autre?
A ces mots, ces impudiques m'ayant fait voir que leur état exigeait des plaisirs plus solides, ils se levèrent et me firent placer debout sur un large fauteuil, les coudes appuyés sur le dos de ce siège, les genoux sur les bras, et tout le train de derrière absolument penché vers eux. A peine fus-je placée qu'ils quittèrent leur culotte, retroussèrent leur chemise, et se trouvèrent ainsi, à la chaussure près, parfaitement nus de la ceinture en bas; ils se montrèrent en cet état à mes yeux, passèrent et repassèrent plusieurs fois devant moi en affectant de me faire voir leur cul, m'assurant que c'était bien autre chose que ce que je pouvais leur offrir. Tous deux étaient effectivement formés comme des femmes dans cette partie: Cardoville surtout en offrait la blancheur et la coupe, l'élégance et le potelé; ils se polluèrent un instant devant moi, mais sans émission.
Rien que de très ordinaire dans Cardoville; pour Saint-Florent, c'était un monstre; je frémis quand je pensai que tel était le dard qui m'avait immolée. Oh! juste ciel! comment un homme de cette taille avait-il besoin de prémices? Pouvait-ce être autre chose que la férocité qui dirigeât de telles fantaisies? Mais quelles nouvelles armes allaient, hélas! se présenter à moi! Julien et La Rose, qu'échauffait tout cela sans doute, également débarrassés de leur culotte, s'avancent la pique à la main… Oh! madame, jamais rien de pareil n'avait encore souillé ma vue, et quelles que soient mes descriptions antérieures, ceci surpassait tout ce que j'ai pu peindre, comme l'aigle impérieux l'emporte sur la colombe. Nos deux débauchés s'emparèrent bientôt de ces dards menaçants; ils les caressent, ils les polluent, ils les approchent de leur bouche, et le combat bientôt devient plus sérieux. Saint-Florent se penche sur le fauteuil où je suis, en telle sorte que mes fesses écartées se trouvent positivement à la hauteur de sa bouche; il les baise, sa langue s'introduit en l'un et l'autre temple. Cardoville jouit de lui, s'offrant lui-même aux plaisirs de La Rose dont l'affreux membre s'engloutit aussitôt dans le réduit qu'on lui présente, et Julien, placé sous Saint-Florent, l'excite de sa bouche en saisissant ses hanches, et les modulant aux secousses de Cardoville qui, traitant son ami de Turc à Maure, ne le quitte pas que l'encens n'ait humecté le sanctuaire. Rien n'égalait les transports de Cardoville quand cette crise s'emparait de ses sens: s'abandonnant avec mollesse à celui qui lui sert d'époux, mais pressant avec force l'individu dont il fait sa femme, cet insigne libertin, avec des râlements semblables à ceux d'un homme qui expire, prononçait alors des blasphèmes affreux. Pour Saint-Florent, il se contint, et le tableau se dérangea sans qu'il eût encore mis du sien.
– En vérité, dit Cardoville à son ami, tu me donnes toujours autant de plaisir que lorsque tu n'avais que quinze ans… Il est vrai, continua-t-il en se retournant et baisant La Rose, que ce beau garçon sait bien m'exciter… Ne m'as-tu pas trouvé bien large aujourd'hui, cher ange?… Le croirais-tu, Saint-Florent, c'est la trente-sixième fois que je le suis du jour… il fallait bien que cela partît. A toi, cher ami, continua cet homme abominable en se plaçant dans la bouche de Julien, le nez collé dans mon derrière et le sien offert à Saint-Florent, à toi pour la trente-septième.
Saint-Florent jouit de Cardoville, La Rose jouit de Saint-Florent, et celui-ci, au bout d'une courte carrière, brûle avec son ami le même encens qu'il en avait reçu. Si l'extase de Saint-Florent était plus concentrée, elle n'en était pas moins vive, moins bruyante, moins criminelle que celle de Cardoville; l'un prononçait en hurlant tout ce qui lui venait à la bouche, l'autre contenait ses transports sans qu'ils en fussent moins actifs; il choisissait ses paroles, mais elles n'en étaient que plus sales et plus impures encore: l'égarement et la rage, en un mot, paraissaient être les caractères du délire de l'un; la méchanceté, la férocité se trouvaient peints dans l'autre.
– Allons, Thérèse, ranime-nous, dit Cardoville; tu vois ces flambeaux éteints, il faut les rallumer de nouveau.
Pendant que Julien allait jouir de Cardoville, et La Rose de Saint-Florent, les deux libertins, penchés sur moi, devaient alternativement placer dans ma bouche leurs dards émoussés; lorsque j'en pompais un, il fallait de mes mains secouer et polluer l'autre, puis d'une liqueur spiritueuse que l'on m'avait donnée je devais humecter et le membre même et toutes les parties adjacentes; mais je ne devais pas seulement m'en tenir à sucer, il fallait que ma langue tournât autour des têtes, et que mes dents les mordillassent en même temps que mes lèvres les pressaient. Cependant nos deux patients étaient vigoureusement secoués; Julien et La Rose changeaient, afin de multiplier les sensations produites par la fréquence des entrées et des sorties. Quand deux ou trois hommages eurent enfin coulé dans ces temples impurs, je m'aperçus de quelque consistance: Cardoville, quoique le plus âgé, fut le premier qui l'annonça; une claque de toute la force de sa main sur l'un de mes tétons en fut la récompense. Saint-Florent suivit de près; une de mes oreilles presque arrachée fut le prix de mes peines. On se remit, et peu après on m'avertit de me préparer à être traitée comme je le méritais. Au fait de l'affreux langage de ces libertins, je vis bien que les vexations allaient fondre sur moi. Les implorer dans l'état où ils venaient de se mettre l'un et l'autre n'aurait servi qu'à les enflammer davantage: ils me placèrent donc, nue comme je l'étais, au milieu d'un cercle qu'ils formèrent en s'asseyant tous quatre autour de moi. J'étais obligée de passer tour à tour devant chacun d'eux et de recevoir de lui la pénitence qu'il lui plaisait de m'ordonner; les jeunes ne furent pas plus compatissants que les vieux, mais Cardoville surtout se distingua par des raffinements de taquineries dont Saint-Florent, tout cruel qu'il était, n'approcha qu'avec peine.