Nostalgie parisienne Bon Suisse expatrié, la tristesse te gagne, Loin de ton Alpe blanche aux éternels hivers; Et tu songes alors aux prés de fleurs couverts, À la corne du pâtre, au loin, dans la montagne. Lassé parfois, je fuis la ville comme un bagne, Et son ciel fin, miré dans la Seine aux flots verts. Mais c’est là que mes yeux d’enfant se sont ouverts, Et le mal du pays me prend, à la campagne. Le vrai fils de Paris ne regrette pas moins Le relent du pavé que, toi, l’odeur des foins. Montagnard nostalgique, – il faut que tu le saches, – Mon cœur, comme le tien, fidèle et casanier, Souffre en exil, et l’air strident du fontainier Me ferait fondre en pleurs ainsi qu’un Ranz des Vaches. IV À mes jeunes camarades, aux équipiers du Club nautique de Chatou Jadis, la Seine était verte et pure à Saint-Ouen, Et, dans cette banlieue aujourd’hui sale et rêche, J’ai canoté, j’ai même essayé de la pêche. Le lieu semblait alors champêtre. Que c’est loin! On dînait là. Le beurre, au cabaret du coin, Était rance, et le vin fait de bois de campêche. Mais les charmants retours, sur l’eau, dans la nuit fraîche, Quand, sur les prés fauchés, flottait l’odeur du foin! Oh! quels vieux souvenirs et comme le temps marche! Pourtant je vois encor le couchant, sous une arche, Refléter ses rubis dans les flots miroitants. Amis, embarquez-moi sur vos bateaux à voiles, Par un beau soir, à l’heure où naissent les étoiles, Afin que je revive un peu de mes vingt ans. Écrit sur l’Album des Chats d’Henriette Ronner Je regarde, en ce bel album paru d’hier, Ces chats pris sur le vif avec un talent rare. Jamais il ne fut mieux compris, je le déclare, Le tigre familier, caressant quoique fier. Vos félins sont exquis, Henriette Ronner. Je les admire et, non sans orgueil, les compare Au charmant angora dont mon logis se pare Et qui vient de vêtir sa fourrure d’hiver. Comme vous, pour les chats j’ai tant de sympathies! Chez moi, j’ai vu régner de longues dynasties De ces rois fainéants au pelage soyeux: Et, dans mon calme coin de vieux célibataire, Toujours les chats prudents, les chats silencieux Promènent leur beauté, leur grâce et leur mystère. |