– Si cela est intentionnel, dit-il, comme je le suppose, j'imagine que la force à utiliser a quelque chose à faire avec le magnétisme, l'électricité, ou les deux. Il est possible naturellement qu'une autre force, comme, par exemple, celle qui est émise par le radium, doive être employée. J'ai fait des expériences avec cette dernière force, mais seulement à l'aide de la petite quantité de radium que j'ai pu me procurer; mais autant que je puisse le constater, la pierre du Coffre est absolument insensible à son action. Il doit y avoir dans la nature de telles substances présentant le même caractère. Le radium ne se manifeste pas, semble-t-il, quand il est contenu dans le pechblende; et il y a sans doute d'autres substances auxquelles il peut se trouver inclus. Elles appartiennent peut-être à cette catégorie d'éléments «inertes» découverts et isolés par Sir William Ramsay. Il est donc possible que, dans ce Coffre, tiré d'un aérolite et contenant donc peut-être quelque élément inconnu dans notre monde, se trouve une énergie considérable qui sera libérée quand nous l'ouvrirons.
Cela paraissait être la conclusion de ce chapitre du sujet traité; mais comme il avait le regard fixe de quelqu'un qui est toujours engagé sur un sujet, nous attendions tous en silence. Après avoir marqué un temps, il continua:
– Il y a une chose qui, je le confesse, m'a toujours, jusqu'à présent, intrigué. Elle n'est peut-être pas de la première importance; mais dans une affaire comme celle-ci, où tout est inconnu, nous devons admettre que tout est important. Je ne peux pas croire que dans une entreprise étudiée avec cette extraordinaire minutie, une pareille chose ait pu être négligée. Comme vous pouvez le voir sur le plan du tombeau le sarcophage se trouve près de la paroi nord, avec le Coffre Magique au sud. L'espace recouvert par le sarcophage ne porte aucun symbole ni aucune ornementation de quelque nature que ce soit. À première vue cela semblerait impliquer que les dessins ont été tracés après la mise en place du sarcophage. Mais un examen plus minutieux nous montrera que les symboles sont disposés sur le sol de manière à produire un effet déterminé. Regardez, ici les inscriptions sont dans le bon ordre, comme si elles avaient sauté par-dessus l'espace vide. C'est seulement d'après certains effets qu'une chose devient claire: cela présente une signification quelconque. Ce que nous voulons savoir, c'est en quoi consiste cette signification. Regardez en haut et en bas de l'espace vide, qui s'étend de l'ouest à l'est c'est-à-dire de la tête au pied du sarcophage. Aux deux endroits, il y a la reproduction de la même symbolisation, mais disposée de telle sorte que les parties de chacune d'elles sont intégralement des parties d'autres inscrites en travers. C'est seulement quand on jette un coup d'œil en partant, soit de la tête, soit du pied, qu'on s'aperçoit qu'il s'agit de symbolisations. Regardez! Il y a une troisième reproduction dans les coins et au centre de la partie supérieure et de la partie inférieure. Dans chaque compartiment se trouve un soleil coupé au milieu par la ligne du sarcophage, comme par l'horizon. Tout près, derrière chacun d'eux et tourné de l'autre côté, comme s'il dépendait de lui d'une certaine façon, se trouve le vase qui, dans l'écriture hiéroglyphique symbolise le cœur – «Ab», du nom que lui donnent les Égyptiens. De nouveau, au-dessous de chacun se trouve une paire de bras étendus tournés vers le haut à partir du coude; c'est le déterminant du «Ka» ou «Double». Mais sa position relative est différente entre le haut et le bas. À la tête du sarcophage le haut du «Ka» est tourné vers l'ouverture du vase, mais au pied les bras étendus s'en éloignent.
» Ce symbole semble vouloir dire que pendant le passage du soleil de l'ouest à l'est – du coucher au lever du soleil, ou à travers le Monde d'En-Dessous, autrement dit la nuit – le Cœur qui est matériel, même dans la tombe et qui ne peut la quitter, se résout simplement en ses éléments, de sorte qu'il peut toujours se reposer sur «Ra», le Dieu Soleil, l'origine de tout le bien; mais que le Double, qui représente le principe actif, va où il veut, aussi bien la nuit que le jour. Si cela est exact, c'est un avertissement: la conscience de la momie ne repose pas, mais on doit en tenir compte.
» Ou bien cela tend peut-être à dire qu'après la nuit de la résurrection elle-même, le «Ka» quittera tout à fait le cœur. Symbolisant ainsi le fait que dans sa résurrection la Reine serait rendue à une existence inférieure et purement physique. Dans ce cas qu'adviendrait-il de ses souvenirs et de ses expériences d'âme errante? La principale valeur de sa résurrection serait perdue pour le monde! Cependant, cela ne m'inquiète pas. Après tout, car cela est contraire à la croyance intellectuelle de la théologie égyptienne, d'après laquelle le «Ka» est une portion essentielle d'humanité.
Il s'était arrêté; nous attendions tous. Le silence fut rompu par le Dr Winchester:
– Mais cela n'impliquerait-il pas simplement que la Reine craignait une intrusion dans sa tombe?
– Mon cher monsieur, répondit Mr. Trelawny en souriant, elle y était préparée. Le viol de sépulture n'est pas une invention moderne; il était probablement connu au temps de la dynastie de la Reine. Elle était non seulement préparée à une intrusion, mais, comme on le voit de différentes façons, elle l'attendait. Le fait d'avoir caché les lampes dans le serdab, l'installation du «trésorier» vengeur montre l'existence d'une défense, aussi bien positive que négative. À dire vrai, d'après les nombreuses indications fournies par les indices laissés avec une parfaite prévoyance, nous pourrions presque conclure qu'elle envisageait comme possible que d'autres – comme nous, par exemple – entreprennent très sérieusement le travail qu'elle s'était préparé pour elle lorsque le moment en serait venu. Cette question dont je viens de parler est prise comme exemple. L'indice est destiné à des yeux qui savent voir!
Nous étions de nouveau silencieux. Ce fut Margaret qui dit:
– Père, puis-je avoir ce plan? J'aimerais l'étudier pendant la journée.
– Certainement, ma chérie, répondit Mr. Trelawny de bon cœur en lui tendant le plan.
Il reprit ses instructions sur un ton différent, plus terre à terre et convenant à un sujet pratique qui ne comportait rien de mystérieux:
– Je crois qu'il est préférable que vous connaissiez le fonctionnement de la lumière électrique en prévision d'un cas d'urgence. Vous avez remarqué, je pense, que nous avons une installation complète dans toutes les parties de la maison, si bien qu'aucun recoin ne doit rester dans l'obscurité. Cela a été spécialement prévu. L'installation est alimentée par un jeu de turbines mues par le flux et le reflux, comme les turbines du Niagara. J'espère supprimer ainsi tout risque d'accident et assurer la fourniture de courant à tout instant. Venez avec moi pour que je vous explique le système des circuits, vous montre les interrupteurs et les fusibles.
Tandis que nous faisions avec lui le tour de la maison, je ne pus m'empêcher de remarquer à quel point tout était prévu, comme il s'était prémuni contre tout désastre prévisible par un esprit humain.
Mais cette perfection même me causait une crainte. Dans une entreprise comme la nôtre, les limites de la pensée humaine ne peuvent être que très étroites. Au-delà s'étendent l'immensité de la sagesse et la puissance divines.