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– Oh! c'en est trop, s'écria le comte; je suis dans ma maison, vous êtes ma femme, et, dût l'enfer vous venir en aide, cette nuit même vous serez à moi.

Bussy mit la main à la garde de son épée et fit un pas en avant; mais Diane ne lui donna pas le temps de paraître.

– Tenez, dit-elle en tirant un poignard de sa ceinture, voilà comme je vous réponds.

Et, bondissant dans la chambre où était Bussy, elle referma la porte, poussa le double verrou, et, tandis que Monsoreau s'épuisait en menaces, heurtant les planches du poing:

– Si vous faites seulement sauter une parcelle du bois de cette porte, dit Diane, vous me connaissez, monsieur, vous me trouverez morte sur le seuil.

– Et, soyez tranquille, madame, dit Bussy en enveloppant Diane de ses bras, vous auriez un vengeur.

Diane fut près de pousser un cri; mais elle comprit que le seul danger qui la menaçât lui venait de son mari. Elle demeura donc sur la défensive, mais muette; tremblante, mais immobile.

M. de Monsoreau frappa violemment du pied; puis, convaincu sans doute que Diane exécuterait sa menace, il sortit du salon en repoussant violemment la porte derrière lui.

Puis on entendit le bruit de ses pas s'éloigner dans le corridor et décroître dans l'escalier.

– Mais vous, monsieur, dit alors Diane en se dégageant des bras de Bussy et en faisant un pas en arrière, qui êtes-vous et comment vous trouvez-vous ici?

– Madame, dit Bussy en rouvrant la porte et en s'agenouillant devant Diane, je suis l'homme à qui vous avez conservé la vie. Comment pourriez-vous croire que je suis entré chez vous dans une mauvaise intention, ou que je forme des desseins contre votre honneur?

Grâce au flot de lumière qui inondait la noble figure du jeune homme, Diane le reconnut.

– Oh! vous ici, monsieur! s'écria-t-elle en joignant les mains, vous étiez là, vous avez tout entendu?

– Hélas! oui, madame.

– Mais, qui êtes-vous? votre nom, monsieur?

– Madame, je suis Louis de Clermont, comte de Bussy.

– Bussy! vous êtes le brave Bussy! s'écria naïvement Diane, sans se douter de la joie que cette exclamation répandait dans le cœur du jeune homme. Ah! Gertrude, continua-t-elle en s'adressant à sa suivante, qui, ayant entendu sa maîtresse parler avec quelqu'un, entrait tout effarée; Gertrude, je n'ai plus rien à craindre, car, à partir de ce moment, je mets mon honneur sous la sauvegarde du plus noble et du plus loyal gentilhomme de France.

Puis, tendant la main à Bussy:

– Relevez-vous, monsieur, dit-elle, je sais qui vous êtes: il faut que vous sachiez qui je suis.

XIII Ce qu'était Diane de Méridor.

Bussy se releva tout étourdi de son bonheur, et entra avec Diane dans le salon que venait de quitter M. de Monsoreau.

Il regardait Diane avec l'étonnement de l'admiration; il n'avait pas osé croire que la femme qu'il cherchait pût soutenir la comparaison avec la femme de son rêve, et voilà que la réalité surpassait tout ce qu'il avait pris pour un caprice de son imagination.

Diane avait dix-huit ou dix-neuf ans, c'est-à-dire qu'elle était dans ce premier éclat de la jeunesse et de la beauté qui donne son plus pur coloris à la fleur, son plus charmant velouté au fruit; il n'y avait pas à se tromper à l'expression du regard de Bussy; Diane se sentait admirée, et elle n'avait pas la force de tirer Bussy de son extase.

Enfin elle comprit qu'il fallait rompre ce silence qui disait trop de choses.

– Monsieur, dit-elle, vous avez répondu à l'une de mes questions, mais point à l'autre: je vous ai demandé qui vous êtes, et vous me l'avez dit; mais j'ai demandé aussi comment vous vous trouvez ici, et à cette demande vous n'avez rien répondu.

– Madame, dit Bussy, aux quelques mots que j'ai surpris de votre conversation avec M. de Monsoreau, j'ai compris que les causes de ma présence ressortiraient tout naturellement du récit que vous avez bien voulu me promettre. Ne m'avez-vous pas dit de vous-même tout à l'heure que je devais savoir qui vous étiez?

– Oh! oui, comte, je vais tout vous raconter, répondit Diane, votre nom à vous m'a suffi pour m'inspirer toute confiance, car votre nom, je l'ai entendu souvent redire comme le nom d'un homme de courage, à la loyauté et à l'honneur duquel on pouvait tout confier.

Bussy s'inclina.

– Par le peu que vous avez entendu, dit Diane, vous avez pu comprendre que j'étais la fille du baron de Méridor, c'est-à-dire que j'étais la seule héritière d'un des plus nobles et des plus vieux noms de l'Anjou.

– Il y eut, dit Bussy, un baron de Méridor qui, pouvant sauver sa liberté à Pavie, vint rendre son épée aux Espagnols lorsqu'il sut le roi prisonnier, et qui, ayant demandé pour toute grâce d'accompagner François 1er à Madrid, partagea sa captivité, et ne le quitta que pour venir en France traiter de sa rançon.

– C'est mon père, monsieur, et si jamais vous entrez dans la grande salle du château de Méridor, vous verrez, donné en souvenir de ce dévouement, le portrait du roi François 1er de la main de Léonard de Vinci.

– Ah! dit Bussy, dans ce temps-là les princes savaient encore récompenser leurs serviteurs.

– À son retour d'Espagne, mon père se maria. Deux premiers enfants, deux fils, moururent. Ce fut une grande douleur pour le baron de Méridor, qui perdait l'espoir de se voir revivre dans un héritier. Bientôt le roi mourut à son tour, et la douleur du baron se changea en désespoir; il quitta la cour quelques années après et vint s'enfermer avec sa femme dans son château de Méridor. C'est là que je naquis comme par miracle, dix ans après la mort de mes frères.

Alors tout l'amour du baron se reporta sur l'enfant de sa vieillesse; son affection pour moi n'était pas de la tendresse, c'était de l'idolâtrie. Trois ans après ma naissance, je perdis ma mère; certes, ce fut une nouvelle angoisse pour le baron; mais, trop jeune pour comprendre ce que j'avais perdu, je ne cessai pas de sourire, et mon sourire le consola de la mort de ma mère.

Je grandis, je me développai sous ses yeux. Comme j'étais tout pour lui, lui aussi, pauvre père, il était tout pour moi. J'atteignis ma seizième année sans me douter qu'il y eût un autre monde que celui de mes brebis, de mes paons, de mes cygnes et de mes tourterelles, sans songer que cette vie dût jamais finir et sans désirer qu'elle finît.

Le château de Méridor était entouré de vastes forêts appartenant à M. le duc d'Anjou; elles étaient peuplées de daims, de chevreuils et de cerfs, que personne ne songeait à tourmenter, et que le repos dans lequel on les laissait rendait familiers; tous étaient plus ou moins de ma connaissance; quelques-uns étaient si bien habitués à ma voix, qu'ils accouraient quand je les appelais; une biche, entre autres, ma protégée, ma favorite, Daphné, pauvre Daphné! venait manger dans ma main.

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