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– Mais, Sire…

– Allez, monsieur, allez! vociféra le roi. Trois jours, vous entendez? Et si vous ne trouvez pas, je croirai que vous êtes complice et je ferai votre procès!

Le Grand prévôt se retira dans une inexprimable épouvante.

Le chancelier de Birague arriva au bout d’une heure, pendant laquelle Charles IX se promena fébrilement dans son cabinet.

– Monsieur, lui dit Charles IX, quelles peines avons-nous édictées contre les bourgeois porteurs d’armes?

– L’amende d’abord, Sire, l’amende proportionnée à la richesse du coupable; puis la prison.

– Eh bien, monsieur, je veux qu’aujourd’hui vous fassiez créer un nouvel édit que veuillez faire enregistrer.

Le roi se recueillit un instant.

Le chancelier, courbé, attendait. Le roi prononça alors:

– Tout porteur d’armes visibles, arquebuses, épées, dagues, pistolets arbalètes, hallebardes ou piques sera saisi sans autre procès et embastillé pour dix ans; ses biens, s’il en a, confisqués. Tout porteur d’armes cachées sous le manteau sera conduit aux fourches patibulaires de sa juridiction et pendu, après douze heures pour tout délai, afin qu’il puisse faire pénitence et se réconcilier avec Dieu, s’il est en état de péché mortel.

– Sire, dit Birague, l’édit sera crié aujourd’hui. Mais Votre Majesté veut-elle me permettre une observation?

– Faites, monsieur.

– L’édit concerne tous les Parisiens sans exception?

– Oui, monsieur: hormis les gentilshommes.

– Très bien, Sire; seulement, je ferai remarquer à Votre Majesté que depuis quelque temps, il n’est pas un Parisien qui se montre dans les rues sans armes.

– Voilà qui prouve combien nos commandements royaux sont respectés. Et c’est vous qui me dites cela tranquillement! Par Notre-Dame! Il faut que cela finisse!… Que voulez-vous dire? Qu’il sera difficile d’arrêter tous les Parisiens armés? On les arrêtera, s’il le faut!…

Et Charles IX ajouta avec une sorte de mauvais sourire:

– D’ailleurs, rassurez-vous monsieur le chancelier, quelques exemples suffiront. Deux bonnes douzaines de pendus accrochés à nos fourches inspireront de salutaires réflexions. Allez, monsieur.

Birague s’inclina et sortit.

– Messieurs, continua le roi en s’adressant à ses courtisans, je veux qu’on fasse bon visage aux huguenots, et si l’on tire l’épée, que ce soit pour notre service et le bien du royaume, et non pour continuer des guerres intestines. Les huguenots sont maintenant de nos amis, je veux qu’on le sache!

Là-dessus, Charles IX fit un signe et la foule des courtisans s’empressa de sortir.

Le roi demeuré seul se jeta dans un fauteuil et se mit à songer:

«Par la mordieu, je voudrais que la peste étouffât le truand qui a tiré sur l’amiral!… Voilà la campagne retardée… Et pourtant, mon salut est dans cette guerre qui entraînera hors du royaume tous les huguenots à la suite de leur chef… Qu’ils s’en aillent guerroyer aux Pays-Bas, et voilà ma tranquillité assurée. Combien en reviendra-t-il?… Coligny me trahit-il comme madame la reine le prétend? C’est possible! Mais la meilleure manière de me débarrasser de lui et de tous ses acolytes, n’était-ce pas de lui donner une armée pour l’envoyer loin du royaume? Lui parti, Henri de Béarn tenu en laisse par Margot qui m’aime, je n’avais plus que Guise devant moi, et j’en eusse fait bon marché… Voilà ma politique, à moi. Elle vaut bien celle du pape, qui est celle de ma mère!…»

Il demeura rêveur pendant quelques minutes, puis ajouta amèrement:

– Oui, je n’aurais plus que Guise à combattre… Guise… et mon frère… le bien-aimé de ma mère!…

Charles IX demeura enfermé deux heures dans son cabinet, montrant par là la douleur que lui causait l’événement.

Puis ayant dîné en hâte, il fit savoir à Catherine sa mère et à son frère le duc d’Anjou qu’ils eussent à se préparer pour l’accompagner chez l’amiral.

Bientôt la litière se mit en route, escortée par une compagnie que commandait de Cosseins, le capitaine des gardes du roi. Pendant tout le trajet, le duc d’Anjou et Catherine affectèrent de parler continuellement d’un miracle qu’on avait constaté à Saint-Germain-l’Auxerrois:

Trois jours auparavant, le mardi, de grand matin, le sacristain étant entré dans l’église, avait vu le bénitier tout plein de sang, alors que la veille au soir il était rempli d’eau.

Nul n’avait pu pénétrer dans l’église pendant la nuit. Et d’ailleurs, qui donc aurait eu la sacrilège pensée de verser du sang humain dans l’eau bénite? Il s’agissait donc bien d’un miracle. Et tout ce sang avait été pieusement recueilli dans des ampoules qu’on avait portées à Notre-Dame.

Ce miracle était la suite toute naturelle de celui qui avait éclaté au couvent où Dieu fut bouilli.

Là aussi la chaudière merveilleuse s’était montrée pleine de sang.

À ces signes répétés, il était impossible de ne pas connaître la volonté divine: Dieu voulait du sang!

– Voilà qui est clair, dit le duc d’Anjou.

Charles IX avait écouté tout cet entretien, sombre et silencieux, se demandant peut-être s’il n’était pas dans l’erreur, et si le temps n’était pas venu de donner satisfaction à Dieu.

Cependant, lorsque la litière arriva devant l’hôtel Coligny, le roi secouant la tête, parut se reprendre et, se penchant, prononça les paroles que nous avons signalées et qui furent accueillies par des cris frénétiques de: «Vive le roi!»

Coligny était couché lorsque Charles IX, Henri d’Anjou et Catherine entrèrent dans sa chambre. La pâle figure du blessé rayonna de joie. Le roi courut à lui et l’embrassa en disant:

– J’espère que ce misérable se balancera bientôt au bout d’une corde. J’espère que votre précieuse vie n’est pas en danger.

– Sire, dit Ambroise Paré qui se trouvait près du lit, je réponds de la vie de M. l’amiral. Dans quinze jours, il sera sur pied…

– Sire, dit à son tour Coligny, la joie que me cause la marque d’intérêt qui m’est donnée par mon roi fera beaucoup pour ma guérison.

– Monsieur l’amiral, fit le duc d’Anjou, vous me voyez tout morfondu du mal qui vous arrive…

– Dieu nous conserve le chef illustre et le loyal serviteur en qui nous avons mis toute notre confiance! dit Catherine qui essuyait ses larmes.

À ces mots, il y eut dans la chambre remplie de gentilshommes un grand murmure de satisfaction.

Malgré les recommandations d’Ambroise Paré, on cria:

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