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Il lut à haute voix le passage important.

– … C'est pour moi une question d'honneur: je ne peux pas vous donner de plus amples informations sur cette lettre, ni la faire circuler parmi vous. Mais je vous assure qu'elle ne contient rien d'autre qui affecte les intérêts de la loge. Je vous expose l'affaire comme elle m'a été communiquée.

– Permettez-moi de dire, monsieur le président, intervint un frère âgé, que j'ai entendu parler de Birdy Edwards, et qu'il a la réputation d'être le meilleur lieutenant de Pinkerton.

– Quelqu'un le connaît-il de vue? demanda McGinty.

– Oui, répondit McMurdo. Moi.

Un murmure d'étonnement courut dans la salle.

– Je crois que nous le tenons dans le creux de notre main, reprit McMurdo avec un sourire de triomphe. Si nous agissons vite et avec perspicacité, nous pourrons nous en sortir. Si j'ai votre confiance et votre appui, nous n'avons pas grand-chose à redouter.

– Que pourrions-nous avoir à redouter? Que connaît-il de nos affaires?

– Vous pourriez parler ainsi si tout le monde était aussi intègre que vous, conseiller. Mais cet homme dispose des millions de capitalistes. Pensez-vous qu'il n'existe pas un frère assez faible, dans l'une de nos loges, qui accepte de se laisser acheter? Le détective finira bien par connaître nos secrets; peut-être les connaît-il déjà. Il n'y a qu'un remède à cela.

– Il ne faut pas qu'il quitte la vallée! articula lentement Baldwin.

McMurdo approuva.

– Bravo, frère Baldwin! répondit-il. Vous et moi, nous avons été séparés par quelques différends, mais ce soir vous avez bien parlé.

– Où est-il donc? Comment le reconnaître?

– Vénérable maître, déclara avec sérieux McMurdo, je voudrais vous faire sentir que c'est un sujet trop vital pour que nous en discutions en pleine loge. Dieu me garde de laisser planer le moindre doute sur n'importe qui ici, mais si un bavardage parvenait aux oreilles de cet homme, nous n'aurions plus aucune chance de le tenir à notre merci. Je voudrais prier la loge d'élire un comité de confiance, monsieur le président. Vous-même, si je puis me permettre une suggestion, le frère Baldwin, et cinq autres frères. Alors je pourrai parler librement de ce que je sais et des mesures que je conseillerais de prendre.

La proposition fut immédiatement adoptée, et le comité désigné. En dehors de McGinty et de Baldwin, Harraway, le secrétaire au profil de faucon, Carter le trésorier, Tiger Cormac, et les frères Willaby, tueurs prêts à tout, furent désignés.

La petite fête hebdomadaire de la loge se termina de bonne heure et dans la mélancolie, car une menace préoccupait tous les esprits, et nombreux étaient ceux qui voyaient pour la première fois le nuage de la loi vengeresse apparaître dans le ciel serein sous lequel ils avaient vécu si longtemps. Les horreurs qu'ils avaient obligées aux autres étaient si bien entrées dans leurs mœurs que la Perspective d'un châtiment leur semblait incroyable. Ils se séparèrent tôt et laissèrent leurs chefs tenir conseil.

– Allez, McMurdo! commanda McGinty quand ils furent seuls.

Les sept membres du comité étaient de glace sur leurs fauteuils.

– J'ai dit tout à l'heure que je connaissais Birdy Edwards, expliqua McMurdo. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il n'est pas ici sous son nom. Il est brave, je crois, mais il n'est pas fou. Il a pris le nom de Steve Wilson, et il habite à Hobson's Patch.

– Comment le savez-vous?

– Parce que je lui ai parlé par hasard. Je pensais peu à Pinkerton à l’époque, et je ne me serais jamais rappelé son existence si je n’avais pas reçu cette lettre. Mais à présent, je suis sûr que c'est notre homme. Je l'ai rencontré dans le train quand je suis descendu mercredi dernier pour l'affaire difficile que vous connaissez. Il m'a dit qu'il était journaliste. Je l'ai cru. Il voulait tout savoir sur les Éclaireurs et sur ce qu'il appelait leurs crimes. Il était là pour le New York Press. Il m'a posé toutes sortes de questions soi-disant pour avoir quelque chose à envoyer à son journal. Vous pensez bien que je ne lui ai rien lâché. «Je paierais, et je paierais cher pour avoir des détails qui plairaient à mon directeur», m'a-t-il dit. Je lui ai raconté ce que j'ai pensé qui lui conviendrait le mieux, et il m'a remis un billet de vingt dollars pour mes renseignements. «Il y en aura dix fois autant pour vous, a-t-il ajouté, si vous pouvez me procurer tout ce dont j'ai besoin.»

– Que lui aviez-vous donc raconté?

– Tout ce qui m'est passé par la tête.

– Comment savez-vous qu'il n'était pas journaliste?

– Je vais vous le dire. Il est descendu à Hobson's Patch. Moi aussi. Par hasard je suis entré au bureau de poste comme il en sortait.

» – Dites donc, m'a dit l'opérateur du télégraphe, j'ai l'impression que j'aurais dû lui faire payer double tarif pour ça!

» – Je pense comme vous, lui ai-je répondu.

» Il avait rempli la formule d'une prose qui aurait bien pu être du chinois. L'opérateur m'a confié qu'il écrivait une grande feuille tous les jours, aussi incompréhensible. Je lui ai expliqué que sans doute c'étaient des informations pour son journal, et qu'il redoutait d'être copié par d'autres. Je le croyais bien ce jour-là, mais maintenant je pense différemment.

– Je crois que vous avez raison, dit McGinty. Mais, à votre avis, que devons-nous faire?

– Pourquoi ne pas descendre là-bas et lui régler son compte? demanda quelqu'un.

– Le plus tôt serait le mieux.

– Je partirais sur-le-champ si je savais où le trouver, répondit McMurdo. Il habite Hobson's Patch, mais je ne sais pas dans quelle maison. J'ai un plan tout prêt, néanmoins, si vous voulez bien m'écouter.

– Lequel?

– Je vais me rendre demain matin à Hobson's Patch. Je le découvrirai grâce à l'opérateur du télégraphe. Je suppose qu'il pourra me le situer. Bien. Je lui dirai que je suis moi-même un Homme libre. Je lui offrirai les secrets de la loge contre un bon prix. Vous pouvez être sûr qu'il tombera dans le panneau. Je lui dirai que les documents sont chez moi, mais qu'il commettrait une folie en venant en plein midi. Il trouvera ça normal. Je lui donnerai rendez-vous à dix heures du soir, pour qu'il prenne connaissance des papiers. Cela l'attirera, comme de juste.

– Et alors?

– Arrangez la suite comme vous l'entendrez. La pension de la veuve MacNamara est une maison isolée. Ma logeuse est sûre et dure d'oreille. Elle n'a pour pensionnaires que Scanlan et moi. Si j’ai sa promesse qu'il viendra, et je vous en avertirai, je voudrais que tous les sept vous soyez chez moi à neuf heures. Nous le prendrons au piège. Si jamais il s'en sort vivant… eh bien! il pourra parler de la chance de Birdy Edwards pour le restant de ses jours!

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