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Le Roy Alphonce, celuy qui dressa en Espaigne l'ordre des chevaliers de la Bande, ou de l'Escharpe, leur donna entre autres regles, de ne monter ny mule ny mulet, sur peine d'un marc d'argent d'amende: comme je viens d'apprendre dans les lettres de Guevara, desquelles ceux qui les ont appellées Dorées , faisoient jugement bien autre que celuy que j'en fay.

Le Courtisan dit, qu'avant son temps c'estoit reproche à un gentil-homme d'en chevaucher. Les Abyssins au rebours: à mesure qu'ils sont les plus advancez pres le Prettejan leur prince, affectent pour la dignité et pompe, de monter des grandes mules. Xenophon recite que les Assyriens tenoient tousjours leurs chevaux entravez au logis, tant ils estoient fascheux et farouches: Et qu'il falloit tant de temps à les destacher et harnacher, que, pour que cette longueur ne leur apportast dommage s'ils venoient à estre en desordre surprins par les ennemis, ils ne logeoient jamais en camp, qui ne fust fossoyé et remparé.

Son Cyrus, si grand maistre au faict de chevalerie, mettoit les chevaux de son escot: et ne leur faisoit bailler à manger, qu'ils ne l'eussent gaigné par la sueur de quelque exercice.

Les Scythes, où la necessité les pressoit en la guerre, tiroient du sang de leurs chevaux, et s'en abbreuvoient et nourrissoient,

Venit et epoto Sarmata pastus equo .

Ceux de Crotte assiegéz par Metellus, se trouverent en telle disette de tout autre breuvage, qu'ils eurent à se servir de l'urine de leurs chevaux.

Pour verifier, combien les armées Turquesques se conduisent et maintiennent à meilleure raison, que les nostres: ils disent, qu'outre ce que les soldats ne boivent que de l'eau, et ne mangent que riz et de la chair salée mise en poudre, (dequoy chacun porte aisément sur soy provision pour un moys) ils sçavent aussi vivre du sang de leurs chevaux, comme les Tartares et Moscovites, et le salent.

Ces nouveaux peuples des Indes, quand les Espagnols y arriverent, estimerent tant des hommes que des chevaux, que ce fussent, ou Dieux ou animaux, en noblesse au dessus de leur nature: Aucuns apres avoir esté vaincus, venans demander paix et pardon aux hommes, et leur apporter de l'or et des viandes, ne faillirent d'en aller autant offrir aux chevaux, avec une toute pareille harangue à celle des hommes, prenans leur hannissement, pour langage de composition et de trefve.

Aux Indes de deçà, c'estoit anciennement le principal et royal honneur de chevaucher un elephant, le second d'aller en coche, trainé à quatre chevaux, le tiers de monter un chameau, le dernier et plus vil degré, d'estre porté ou charrié par un cheval seul.

Quelcun de nostre temps, escrit avoir veu en ce climat là, des païs, où on chevauche les boeufs, avec bastines, estriers et brides, et s'estre bien trouvé de leur porture.

Quintus Fabius Maximus Rutilianus, contre les Samnites, voyant que ses gents de cheval à trois ou quatre charges avoient failly d'enfoncer le bataillon des ennemis, print ce conseil: qu'ils debridassent leurs chevaux, et brochassent à toute force des esperons: si que rien ne les pouvant arrester, au travers des armes et des hommes renversez, ils ouvrirent le pas à leurs gens de pied, qui parfirent une tres-sanglante deffaitte.

Autant en commanda Quintus Fulvius Flaccus, contre les Celtiberiens: Id cum majore vi equorum facietis, si effrenatos in hostes equos immittitis: quod sæpe romanos equites cum laude fecisse sua, memoriæ proditum est. Detractisque frenis bis ultro citroque cum magna strage hostium, infractis omnibus hastis, transcurrerunt .

Le Duc de Moscovie devoit anciennement cette reverence aux Tartares, quand ils envoioyent vers luy des Ambassadeurs, qu'il leur alloit au devant à pied, et leur presentoit un gobeau de lait de jument (breuvage qui leur est en delices) et si en beuvant quelque goutte en tomboit sur le crin de leurs chevaux, il estoit tenu de la lecher avec la langue. En Russie, l'armée que l'Empereur Bajazet y avoit envoyée, fut accablée d'un si horrible ravage de neiges, que pour s'en mettre à couvert, et sauver du froid, plusieurs s'adviserent de tuer et eventrer leurs chevaux, pour se getter dedans, et jouyr de cette chaleur vitale.

Bajazet apres cest aspre estour où il fut rompu par Tamburlan, se sauvoit belle erre sur une jument Arabesque, s'il n'eust esté contrainct de la laisser boire son saoul, au passage d'un ruisseau: ce qui la rendit si flacque et refroidie, qu'il fut bien aisément apres acconsuivy par ceux qui le poursuivoyent. On dit bien qu'on les lasche, les laissant pisser: mais le boire, j'eusse plustost estimé qu'il l'eust renforcée.

Croesus passant le long de la ville de Sardis, y trouva des pastis, où il y avoit grande quantité de serpents, desquels les chevaux de son armée mangeoient de bon appetit: qui fut un mauvais prodige à ses affaires, dit Herodote.

Nous appellons un cheval entier qui a crin et oreille, et ne passent les autres à la montre. Les Lacedemoniens ayant desfait les Atheniens, en la Sicile, retournans de la victoire en pompe en la ville de Syracuse, entre autres bravades, firent tondre les chevaux vaincus, et les menerent ainsin en triomphe. Alexandre combatit une nation, Dahas, ils alloyent deux à deux armez à cheval à la guerre, mais en la meslée l'un descendoit à terre, et combatoient ore à pied, ore à cheval, l'un apres l'autre.

Je n'estime point, qu'en suffisance, et en grace à cheval, nulle nation nous emporte. Bon homme de cheval, à l'usage de nostre parler, semble plus regarder au courage qu'à l'addresse. Le plus sçavant, le plus seur, le mieux advenant à mener un cheval à raison, que j'aye cognu, fut à mon gré monsieur de Carnevalet, qui en servoit nostre Roy Henry second. J'ay veu homme donner carriere à deux pieds sur sa selle, demonter sa selle, et au retour la relever, reaccommoder, et s'y rasseoir, fuyant tousjours à bride avallée: Ayant passé par dessus un bonnet, y tirer par derriere de bons coups de son arc: Amasser ce qu'il vouloit, se jettant d'un pied à terre, tenant l'autre en l'estrier; et autres pareilles singeries, dequoy il vivoit. On a veu de mon temps à Constantinople, deux hommes sur un cheval, lesquels en sa plus roide course, se rejettoyent à tours, à terre, et puis sur la selle: Et un, qui seulement des dents, bridoit et harnachoit son cheval. Un autre, qui entre deux chevaux, un pied sur une selle, l'autre sur l'autre, portant un second sur ses bras, piquoit à toute bride: ce second tout debout, sur luy, tirant en la course, des coups bien certains de son arc. Plusieurs, qui les jambes contre-mont, donnoient carriere, la teste plantee sur leurs selles, entre les pointes des simeterres attachez au harnois. En mon enfance le Prince de Sulmone à Naples, maniant un rude cheval, de toute sorte de maniemens, tenoit soubz ses genouz et soubs ses orteils des reales: comme si elles y eussent esté clouées: pour montrer la fermeté de son assiette.

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