Comme nous protestions faiblement, il se fit plus sévère:
«Ah! mais on ne répond pas! J'ai fait faire ma petite enquête, moi aussi. Certains établissements de cette ville ne vous sont pas inconnus. Alors maintenant il va falloir rembourser votre papa. Pour cela vous allez travailler au bistrot pendant vos heures de temps libre. Avec le monde qu'il y a, je crois que le patron sera content de vous proposer un arrangement.»
Se tournant vers mon père, il dit:
«Pierre-Loup, je comprends ta colère, mais il ne faut pas que tu sois trop dur avec le môme. Faut bien qu'enfance mûrisse, ce n'est pas toi qui me diras le contraire. Tu te souviens de nos quatre cents coups? La Calypso de la Galette, oh oh oh. La mère Bigoudis… On est tous passés par là. Et ils sont formidables, ces enfants, j'en ai rarement vu qui écoutent aussi bien. Et l'on dit que les jeunes d'aujourd'hui ne valent rien. C'est faux! C'est de la jeunesse formidable, une génération de l'espoir, ils ne se laisseront pas faire vis-à-vis de qui-tu-sais!»
Il ne croyait pas si bien dire.
Nous le regardâmes avec reconnaissance. La bonne humeur revenait. Mon père me caressa le dos et je profitai d'un moment particulièrement tendrichon pour lui glisser mon carnet scolaire. Devant mes moyennes, le vieux bouc se ramollit complètement.
Oncle Guillaume nous couvrit de sa moustache pleine d'amour.
«Et maintenant venez, j'ai beaucoup d'autres histoires à vous raconter. Celle du banquier ventriloque qui avait plusieurs vies, celle du sous-marin fantôme qui trouait nos filets de pêche, celle du champ de pétrole français, eh oui, français, ou encore celle du parc d'attractions qui grandit à l'infini en bouffant nos campagnes – Dieu sait qu'il y a en ce monde des histoires formidables!»