Oreste
Seigneur, vous savez trop avec quel artifice
Un faux Astyanax fut offert au supplice
Où le seul fils d’Hector devait être conduit.
Ce n’est pas les Troyens, c’est Hector qu’on poursuit.
Oui, les Grecs sur le fils persécutent le père ;
Il a par trop de sang acheté leur colère,
Ce n’est que dans le sien qu’elle peut expirer,
Et jusque dans l’Épire il les peut attirer.
Prévenez-les.
Pyrrhus
Non, non. J’y consens avec joie !
Qu’ils cherchent dans l’Épire une seconde Troie ;
Qu’ils confondent leur haine, et ne distinguent plus
Le sang qui les fit vaincre et celui des vaincus.
Aussi bien ce n’est pas la première injustice
Dont la Grèce d’Achille a payé le service.
Hector en profita, Seigneur ; et quelque jour
Son fils en pourrait bien profiter à son tour.
Oreste
Ainsi la Grèce en vous trouve un enfant rebelle ?
Pyrrhus
Et je n’ai donc vaincu que pour dépendre d’elle ?
Oreste
Hermione, Seigneur, arrêtera vos coups :
Ses yeux s’opposeront entre son père et vous.
Pyrrhus
Hermione, Seigneur, peut m’être toujours chère,
Je puis l’aimer, sans être esclave de son père ;
Et je saurai peut-être accorder quelque jour
Les soins de ma grandeur et ceux de mon amour.
Vous pouvez cependant voir la fille d’Hélène :
Du sang qui vous unit je sais l’étroite chaîne.
Après cela, Seigneur, je ne vous retiens plus,
Et vous pourrez aux Grecs annoncer mon refus.
Scène III
Pyrrhus, Phœnix
Phœnix
Ainsi vous l’envoyez aux pieds de sa maîtresse ?
Pyrrhus
On dit qu’il a longtemps brûlé pour la princesse.
Phœnix
Mais si ce feu, Seigneur, vient à se rallumer ?
S’il lui rendait son cœur, s’il s’en faisait aimer ?
Pyrrhus
Ah ! qu’ils s’aiment, Phœnix ! J’y consens. Qu’elle parte.
Que charmés l’un de l’autre ils retournent à Sparte !
Tous nos ports sont ouverts et pour elle et pour lui.
Qu’elle m’épargnerait de contrainte et d’ennui !
Phœnix
Pyrrhus
Une autre fois je t’ouvrirai mon âme :
Andromaque paraît.
Scène IV
Pyrrhus, Andromaque, Phœnix, Céphise
Pyrrhus
Me cherchiez-vous, Madame ?
Un espoir si charmant me serait-il permis ?
Andromaque
Je passais jusqu’aux lieux où l’on garde mon fils.
Puisqu’une fois le jour vous souffrez que je voie
Le seul bien qui me reste et d’Hector et de Troie,
J’allais, Seigneur, pleurer un moment avec lui :
Je ne l’ai point encore embrassé d’aujourd’hui.
Pyrrhus
Ah, Madame ! les Grecs, si j’en crois leurs alarmes,
Vous donneront bientôt d’autres sujets de larmes.
Andromaque
Et quelle est cette peur dont leur cœur est frappé,
Seigneur ? Quelque Troyen vous est-il échappé ?
Pyrrhus
Leur haine pour Hector n’est pas encore éteinte.
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