Je me souviens qu’un jour, étant enfant, j’allai voir le bourdon de Notre-Dame.
J’étais déjà étourdi d’avoir monté le sombre escalier en colimaçon, d’avoir parcouru la frêle galerie qui lie les deux tours, d’avoir eu Paris sous les pieds, quand j’entrai dans la cage de pierre et de charpente où pend le bourdon avec son battant, qui pèse un millier.
J’avançai en tremblant sur les planches mal jointes, regardant à distance cette cloche si fameuse parmi les enfants et le peuple de Paris, et ne remarquant pas sans effroi que les auvents couverts d’ardoises qui entourent le clocher de leurs plans inclinés étaient au niveau de mes pieds. Dans les intervalles, je voyais, en quelque sorte à vol d’oiseau, la place du Parvis-Notre-Dame, et les passants comme des fourmis.
Tout à coup l’énorme cloche tinta; une vibration profonde remua l’air, fit osciller la lourde tour. Le plancher sautait sur les poutres. Le bruit faillit me renverser; je chancelai, prêt à tomber, prêt à glisser sur les auvents d’ardoises en pente. De terreur, je me couchai sur les planches, les serrant étroitement de mes deux bras, sans parole, sans haleine, avec ce formidable tintement dans les oreilles, et, sous les yeux, ce précipice, cette place profonde où se croisaient tant de passants paisibles et enviés.
Eh bien! il me semble que je suis encore dans la tour du bourdon. C’est tout ensemble un étourdissement et un éblouissement. Il y a comme un bruit de cloche qui ébranle les cavités de mon cerveau, et autour de moi je n’aperçois plus cette vie plane et tranquille que j’ai quittée, et où les autres hommes cheminent encore, que de loin et à travers les crevasses d’un abîme.