J’ai ôté ma redingote et je la lui ai donnée. Il s’est mis à battre des mains avec une joie d’enfant. Puis, voyant que j’étais en chemise et que je grelottais:
– Vous avez froid, monsieur, mettez ceci; il pleut, et vous seriez mouillé; et puis il faut être décemment sur la charrette.
En parlant ainsi, il ôtait sa grosse veste de laine grise et la passait dans mes bras. Je le laissais faire.
Alors j’ai été m’appuyer contre le mur, et je ne saurais dire quel effet me faisait cet homme. Il s’était mis à examiner la redingote que je lui avais donnée, et poussait à chaque instant des cris de joie.
– Les poches sont toutes neuves! le collet n’est pas usé! J’en aurai au moins quinze francs. Quel bonheur! du tabac pour mes six semaines!
La porte s’est rouverte. On venait nous chercher tous deux; moi, pour me conduire à la chambre où les condamnés attendent l’heure; lui, pour le mener à Bicêtre. Il s’est placé en riant au milieu du piquet qui devait l’emmener, et il disait aux gendarmes:
– Ah ça! ne vous trompez pas; nous avons changé de pelure, monsieur et moi; mais ne me prenez pas à sa place. Diable! cela ne m’arrangerait pas, maintenant que j’ai de quoi avoir du tabac!