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Je perce donc la haie où je me trouve; celle-ci était plus épaisse que l'autre: plus j'avançais, plus je les trouvais fortes. Le trou se fait pourtant, mais un sol ferme au-delà… plus rien qui m'annonçât les mêmes horreurs que je venais de rencontrer; je parviens ainsi au bord du fossé sans avoir trouvé la muraille que m'avait annoncée Omphale; il n'y en avait sûrement point, et il est vraisemblable que les moines ne le disaient que pour nous effrayer davantage. Moins enfermée au-delà de cette sextuple enceinte, je distinguai mieux les objets; l'église et le corps de logis qui s'y trouvait adossé se présentèrent aussitôt à mes regards; le fossé bordait l'un et l'autre; je me gardai bien de chercher à le franchir de ce côté; je longeai les bords, et me voyant enfin en face d'une des routes de la forêt, je résolus de le traverser là et de me jeter dans cette route quand j'aurais remonté l'autre bord. Ce fossé était très profond, mais sec, pour mon bonheur; comme le revêtissement était de brique, il n'y avait nul moyen d'y glisser, je me précipitai donc: un peu étourdie de ma chute, je fus quelques instants avant de me relever… Je poursuis, j'atteins l'autre bord sans obstacle, mais comment le gravir? A force de chercher un endroit commode, j'en trouve un à la fin où quelques briques démolies me donnaient à la fois et la facilité de me servir des autres comme d'échelons, et celle d'enfoncer, pour me soutenir, la pointe de mon pied dans la terre; j'étais déjà presque sur la crête, lorsque tout s'éboulant par mon poids, je retombai dans le fossé sous les débris que j'avais entraînés; je me crus morte; cette chute-ci, faite involontairement, avait été plus rude que l'autre; j'étais d'ailleurs entièrement couverte des matériaux qui m'avaient suivie; quelques-uns m'ayant frappé la tête, je me trouvais toute fracassée… «Ô Dieu! me dis-je au désespoir, n'allons pas plus avant; restons là; c'est un avertissement du ciel; il ne veut pas que je poursuive: mes idées me trompent sans doute; le mal est peut-être utile sur la terre, et quand la main de Dieu le désire, peut-être est-ce un tort de s'y opposer!» Mais, bientôt révoltée d'un système trop malheureux fruit de la corruption qui m'avait entourée, je me débarrasse des débris dont je suis couverte, et trouvant plus d'aisance à remonter par la brèche que je viens de faire, à cause des nouveaux trous qui s'y sont formés, j'essaie encore, je m'encourage, je me trouve en un instant sur la crête. Tout cela m'avait écartée du sentier que j'avais aperçu, mais l'ayant bien remarqué, je le regagne et me mets à fuir à grands pas. Avant la fin du jour, je me trouvai hors de la forêt, et bientôt sur ce monticule duquel, il y avait six mois, j'avais, pour mon malheur, aperçu cet affreux couvent. Je m'y repose quelques minutes, j'étais en nage; mon premier soin est de me précipiter à genoux et de demander à Dieu de nouveaux pardons des fautes involontaires que j'avais commises dans ce réceptacle odieux du crime et de l'impureté; des larmes de regrets coulèrent bientôt de mes yeux. «Hélas! me dis-je, j'étais bien moins criminelle, quand je quittai, l'année dernière, ce même sentier, guidée par un principe de dévotion si funestement trompé! Ô Dieu! dans quel état puis-je me contempler maintenant!» Ces funestes réflexions un peu calmées par le plaisir de me voir libre, je poursuivis ma route vers Dijon, m'imaginant que ce ne pouvait être que dans cette capitale où mes plaintes devaient être légitimement reçues…

Ici Mme de Lorsange voulut engager Thérèse à reprendre haleine, au moins quelques minutes; elle en avait besoin; la chaleur qu'elle mettait à sa narration, les plaies que ces funestes récits rouvraient dans son âme, tout enfin l'obligeait à quelques moments de trêve. M. de Corville fit apporter des rafraîchissements, et après un peu de repos, notre héroïne poursuivit, comme on va le voir, le détail de ses déplorables aventures.

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