La Nouvelle Journ?e
La vie passe. Le corps et l’?me s’?coulent comme un flot. Les ans s’inscrivent sur la chair de l’arbre qui vieillit. Le monde entier des formes s’use et se renouvelle. Toi seule ne passes pas, immortelle Musique. Tu es la mer int?rieure. Tu es l’?me profonde. Dans tes prunelles claires, la vie ne mire pas son visage morose. Au loin de toi s’enfuient, troupeau de nu?es, les jours br?lants, glac?s, fi?vreux, que l’inqui?tude chasse, que jamais rien ne fixe. Toi seule ne passes pas. Tu es en dehors du monde. Tu es un monde, ? toi seule. Tu as ton soleil, qui m?ne ta ronde des plan?tes, ta gravitation, tes nombres et tes lois. Tu as la paix des ?toiles, qui tracent dans le champ des espaces nocturnes leur sillon lumineux, – charrues d’argent que m?ne l’invisible bouvier.
Musique, amie sereine, ta lumi?re lunaire est douce aux yeux fatigu?s par le brutal ?clat du soleil d’ici-bas. L’?me qui se d?tourne de l’abreuvoir commun, o? les hommes pour boire remuent la vase avec leurs pieds, se presse sur ton sein et suce ? tes mamelles le ruisseau de lait du r?ve. Musique, vierge m?re, qui portes en ton corps immacul? toutes les passions, qui contiens dans le lac de tes yeux couleur de joncs, couleur de l’eau vert-p?le qui coule des glaciers, tout le bien, tout le mal, – tu es par del? le mal, tu es par del? le bien; qui chez toi fait son nid vit en dehors des si?cles; la suite de ses jours ne sera qu’un seul jour; et la mort qui tout mord s’y brisera les dents.
Musique qui ber?as mon ?me endolorie, Musique qui me l’as rendue calme, ferme et joyeuse, – mon amour et mon bien, – je baise ta bouche pure, dans tes cheveux de miel je cache mon visage, j’appuie mes paupi?res qui br?lent sur la paume douce de tes mains. Nous nous taisons, nos yeux sont clos, et je vois la lumi?re ineffable de tes yeux, et je bois le sourire de ta bouche muette; et blotti sur ton c?ur, j’?coute le battement de la vie ?ternelle.