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– Par bonheur, il n’en existe pas des douzaines comme toi, sans quoi il n’y aurait plus qu’à fermer boutique.

Arsène Lupin prit un petit air modeste et répondit :

– Bah ! Il fallait bien se distraire, occuper ses loisirs… d’autant que le coup ne pouvait réussir que si j’étais en prison.

– Comment ! s’exclama Ganimard, ton procès, ta défense, l’instruction, tout cela ne te suffit donc pas pour te distraire ?

– Non, car j’ai résolu de ne pas assister à mon procès.

– Oh ! Oh !

Arsène Lupin répéta posément :

– Je n’assisterai pas à mon procès.

– En vérité !

– Ah ça, mon cher, t’imagines-tu que je vais pourrir sur la paille humide ? Tu m’outrages. Arsène Lupin ne reste en prison que le temps qu’il lui plaît, et pas une minute de plus.

– Il eût peut-être été plus prudent de commencer par ne pas y entrer, objecta l’inspecteur d’un ton ironique.

– Ah ! Monsieur raille ? Monsieur se souvient qu’il a eu l’honneur de procéder à mon arrestation ? Sache, mon respectable ami, que personne, pas plus toi qu’un autre, n’eût pu mettre la main sur moi, si un intérêt beaucoup plus considérable ne m’avait sollicité à ce moment critique.

– Tu m’étonnes.

– Une femme me regardait, Ganimard, et je l’aimais. Comprends-tu tout ce qu’il y a dans ce fait d’être regardé par une femme que l’on aime ? Le reste m’importait peu, je te jure. Et c’est pourquoi je suis ici.

– Depuis bien longtemps, permets-moi de le remarquer.

– Je voulais oublier d’abord. Ne ris pas : l’aventure avait été charmante, et j’en ai gardé encore le souvenir attendri… Et puis, je suis quelque peu neurasthénique ! La vie est si fiévreuse, de nos jours ! Il faut savoir, à certains moments, faire ce que l’on appelle une cure d’isolement. Cet endroit est souverain pour les régimes de ce genre. On y pratique la cure de la Santé dans toute sa rigueur.

– Arsène Lupin, observa Ganimard, tu te paies ma tête.

– Ganimard, affirma Lupin, nous sommes aujourd’hui vendredi. Mercredi prochain, j’irai fumer mon cigare chez toi, rue Pergolèse, à quatre heures de l’après-midi.

– Arsène Lupin, je t’attends.

Ils se serrèrent la main comme deux bons amis qui s’estiment à leur juste valeur, et le vieux policier se dirigea vers la porte.

– Ganimard !

Celui-ci se retourna.

– Qu’y a-t-il ?

– Ganimard, tu oublies ta montre.

– Ma montre ?

– Oui, elle s’est égarée dans ma poche.

Il la rendit en s’excusant.

– Pardonne-moi… une mauvaise habitude… Mais ce n’est pas une raison parce qu’ils m’ont pris la mienne pour que je te prive de la tienne. D’autant que j’ai là un chronomètre dont je n’ai pas à me plaindre et qui satisfait pleinement à mes besoins.

Il sortit du tiroir une large montre en or, épaisse et confortable, ornée d’une lourde chaîne.

– Et celle-ci, de quelle poche vient-elle ? demanda Ganimard.

Arsène Lupin examina négligemment les initiales.

– J. B… Qui diable cela peut-il bien être ?… Ah ! Oui, je me souviens, Jules Bouvier, mon juge d’instruction, un homme charmant…

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