Литмир - Электронная Библиотека
A
A

Quelque chose lui disait qu’on s’acheminait vers une fin. Pas celle du monde, pas vraiment. Seulement celle de l’été. Il y aurait d’autres étés, mais aucun ne serait semblable à celui-ci. Plus jamais.

Mieux valait en tirer tout le suc, alors.

Il s’arrêta à mi-champ. Quelqu’un faisait brûler quelque chose. Il regarda le panache de fumée blanche monter de la cheminée du cottage des Jasmins et il s’arrêta. Et il écouta.

Adam pouvait entendre des choses qui échappaient à tout un chacun.

Il entendit rire.

Ce n’était pas le caquetage d’une sorcière; c’était l’éclat de rire profond et sain de quelqu’un qui sait beaucoup plus de choses qu’il ne devrait.

La fumée se tordit et se recourba au-dessus de la cheminée du cottage. Un bref instant, Adam vit un beau visage de femme, dessiné dans la fumée. Un visage qu’on n’avait pas vu sur Terre depuis plus de trois cents ans.

Agnès Barge lui adressa un clin d’œil.

La douce brise d’été dispersa la fumée; visage et rire avaient disparu.

Adam sourit et recommença à courir.

Dans une prairie, à peu de distance, de l’autre côté d’un ruisseau, le petit garçon rejoignit le chien trempé et boueux. « Vilain Toutou », dit Adam en grattant l’animal derrière les oreilles. Toutou jappa, au comble du bonheur.

Adam leva les yeux. Au-dessus de lui se tenait un vieux pommier, tors et trapu. On aurait dit qu’il était planté là depuis l’aube des temps. Ses rameaux ployaient sous le poids des pommes, petites et vertes.

Avec la rapidité du cobra qui frappe, le petit garçon escalada l’arbre. Il regagna la terre ferme quelques secondes plus tard, poches pleines, croquant bruyamment une pomme, acide, parfaite.

«  Hé, toi, le gamin ! »lança une voix bourrue dans son dos. « T'es Adam Young ! Je t’ai vu ! Je vais le dire à ton père, tu vas voir ça ! »

Le châtiment parental était maintenant garanti, se dit Adam en bondissant, son chien à ses côtés, ses poches gonflées de fruits chapardés.

Il était toujours garanti. Mais rien ne se passerait avant ce soir.

Et le soir était encore loin.

Il jeta le trognon de pomme dans la direction approximative de son poursuivant, et plongea la main dans sa poche pour en prendre une autre.

Il ne voyait pas pourquoi les gens font tant d’histoires pour un bête fruit, d’ailleurs, mais ça rendait la vie beaucoup plus drôle.Et quels que soient les ennuis encourus, toutes les pommes valaient la peine qu’on les cueille, selon Adam.

Si vous voulez imaginer le futur, imaginez un petit garçon, son chien et ses amis. Et un été qui n’en finit pas.

Et si vous voulez imaginer le futur, imaginez une bottec non, imaginez un tennis aux lacets défaits qui tape dans un caillou; imaginez un bâton, pour tâter les objets intéressants, pour le lancer à un chien qui le ramènera ou pas, selon son humeur ; imaginez un sifflotement sans mélodie, qui massacre une malheureuse chanson populaire jusqu’à la rendre méconnaissable; imaginez une silhouette dont la moitié est un ange, la moitié un démon, et le tout est humainc

c qui fait route, épaules avachies, vers Tadfield.

c pour toujours.

Crédits

EBOOK BIO Garanti 100% sans DRM

Scan et mise en page: Ninjava

Merci aux membres de la team AlexandriZ

Notes

[©1] C'est-à-dire tout le monde.

[©2] On l’avait fabriquée sur mesure pour Rampa. Se faire faire quelque chose spécialement, quand ce ne serait que cuire une frite, coûte un argent fou, mais ü avait les moyens. Sa montre donnait l’heure dans vingt capitales du monde et celle d’un Autre Lieu, où il était toujours la même heure : trop tard.

[©3] Sainte Béryl Loquacia de Cracovie passe pour avoir subi le martyre au milieu du v esiècle. Selon la légende. Béryl était une jeune femme mariée contre sa volonté à un païen, le prince Casimir. Lors de leur nuit de noces, elle implora le Seigneur d'intervenir, s'attendant vaguement à ce que la barbe lui pousse - d’ailleurs, elle avait déjà préparé un petit rasoir à manche d'ivoire, idéal pour une main de femme, en prévision d’une telle éventualité ; le Seigneur préféra lui accorder le don merveilleux d'un bavardage continuel, sur tous les sujets qui lui passaient par la tête, si futiles soient-ils, sans prendre le temps de respirer ni de se restaurer.

Une version de la légende veut que Béryl soit morte étranglée par le prince Casimir trois semaines après un mariage qui n’était toujours pas consommé. Elle mourut vierge et martyre, babillant jusqu’au bout.

S’il faut en croire une autre version de la légende, Casimir s’acheta une paire de boules Quies, et Béryl mourut dans son lit, en compagnie du prince, à l’âge de 62 ans.

L’Ordre Babillard de Sainte-Béryl a fait vœu de suivre à chaque instant l’exemple de la sainte, à l’exception d’une demi-heure le mardi après-midi, où les sœurs ont la permission de la fermer et, si elles en ont envie, de jouer au ping-pong.

[©4] Celles où c'est une petite vieille qui mène l'enquête, et où il n’y a pas de poursuites en voiture. Ou, du moins, elles se déroulent à vitesse raisonnable

[©5] Il est peut-être utile de signaler que, pour Mr Young, paparazziétait le nom d’un genre de linoléum italien.

[©6] Cela dit, il avait dû se lever en 1832 pour aller aux toilettes.

[©7] Note au bénéfice des Américains et autres étrangers : Milton Keynes est une ville nouvelle située à peu près à égale distance de Londres (Angleterre) et de Birmingham (Angleterre). On l’a conçue comme une ville moderne, pratique, saine et, par-dessus tout, agréable pour ses habitants. Ce qui amuse énormément un grand nombre de Britanniques.

[©8]    La Bible La pefte foit de tout celase signalait également par la présence de 27 versets au troisième chapitre de la Genèse, au lieu du nombre plus traditionnel de 24.

Le verset 24 dit dans la version usuelle :

« Et l’ayant chassé, il mit des Chérubins à l’orient du jardin d’Éden, qui faisoient étinceler une épée de feu, pour garder le chemin qui conduisoit à l’arbre de vie. » Les versets surnuméraires étaient :

25. Et le Seigneur s’adressa en ces mots à l’ange qui gardait la poterne d’Orient : Où est l’épée de flamme qui t’avoit été confiée ?

26. Et ainsi refpondit l’Ange : Je l’avois il n’y a point un inftant, j’ai dû la poser en quelque endroict, un jour j’oublierois mon chef.

27. Et point ne le queftionna plus le Seigneur.

Il semble que ces versets aient été insérés au moment de la correction des épreuves. En ce temps-là, les imprimeurs avaient coutume d’afficher celles-ci aux poutres de bois en façade de leur boutique, pour édifier les foules et se faire corriger gratis ; comme de toute façon on brûla ensuite les exemplaires jusqu’au dernier, personne ne prit la peine d’aborder le sujet avec ce bon monsieur A. Ziraphale, qui tenait une librairie à deux pas de porte de là, qui répondait toujours présent dès qu’il était question de traduire, et dont l’écriture était reconnaissable au premier coup d’œil.

[©9] Les deux autres sont Dix petits Cafres et La Cage des Fols.

[©10]    ... qui avait déjà caressé lui-même quelques projets de cet ordre, et qui passa les dernières années de sa vie dans les geôles de Newgate quand il les mit finalement à exécution.

[©11] Un nouveau trait de génie caractéristique de ces deux éditeurs : le Parlement puritain d'Oliver Cromwell avait déclaré Noël hors la loi en 1654.

[©12] Ce qu’on nomme d’ordinaire une ville. Elle avait la taille d’un chef-lieu de comté en Angleterre ou, selon les normes de référence américaines, d’un centre commercial.

[©13] Un petit cours du soir sis à proximité de Tottenham Court Road, dirigé par un acteur d’un certain âge qui avait interprété des rôles de majordomes et de valets de pied, au cinéma et sur scène, depuis les années 20.

90
{"b":"221328","o":1}