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A
A

« Oui ?

— Votre fils, Adam. »

M r Young poussa un soupir. « Qu’a-t-il encore fait ?

— Vous savez où il est ? »

M r Young consulta sa montre. « Il se prépare à aller au lit, j’imagine. »

Tyler sourit, un sourire crispé, triomphant « J’en doute fort. Je l’ai vu, accompagné de ses petits démons et de cet abominable bâtard, il y a moins d’une demi-heure, qui se dirigeait vers la base aérienne. »

M r Young continua de tirer sur sa pipe.

« Vous n’ignorez pas qu’ils sont très stricts, là-bas », insista M r Tyler, au cas où M r Young n’aurait pas compris le message.

« Vous savez combien votre fils se plaît à tripoter les boutons et à faire des bêtises », ajouta-t-il.

M r Young retira la pipe de sa bouche et en examina pensivement le tuyau.

« Hmp », dit-il.

« Je vois », ajouta-t-il.

« Très bien », acheva-t-il.

Et il rentra chez lui.

Au même instant précisément, quatre motos s’arrêtaient avec un chuintement à quelques centaines de mètres du portail principal. Les motards coupèrent les gaz et remontèrent la visière de leur casque. Enfin, trois d’entre eux, en tout cas.

« J’espérais qu’on franchirait la barrière de force, remarqua Guerre avec regret.

— Ça ne servirait qu’à créer des problèmes, répondit Famine.

— Parfait.

— Non, des problèmes pour nous, je veux dire. Les lignes électriques et téléphoniques sont sans doute coupées, mais ils possèdent probablement des générateurs et ils doivent avoir la radio. Si la nouvelle que des terroristes ont envahi la base commence à se répandre, les gens vont se mettre à agir comme la logique l’exige, et tout le Grand Plan tombe à l’eau.

— Hm. »

On entre, on fait le travail, on ressort et on LAISSE AGIR LA NATURE HUMAINE, FIT LA MORT.

« Je n’avais pas imaginé les choses comme ça, les mecs, dit Guerre. Je n’ai pas attendu des milliers d’années pour faire mumuse avec quelques fils électriques. On peut difficilement qualifier ça de spectaculaire.Albrecht Dürer n’a pas perdu son temps à graver sur bois l’image des Quatre Pousse-Bouton de l’Apocalypse, là-dessus, vous pouvez me faire confiance.

— Je m’attendais à ce qu’il y ait des trompettes, renchérit Pollution.

— Il faut se dire que ce sont juste les travaux préliminaires, expliqua Famine. La chevauchée viendra ensuite. Une vraie chevauchée, sur les ailes de la tempête et tout le tremblement. Il faut savoir s’adapter.

— On n’était pas censés rencontrerc quelqu’un ? » s’enquit Guerre.

Il n’y avait aucun bruit en dehors des petits claquements métalliques produits par les moteurs en train de refroidir.

Puis Pollution déclara, lentement : « Vous savez, je ne peux pas dire que j’imaginais l’endroit comme ça, moi non plus. J’aurais plutôt vu, je ne sais pas, moic une grande ville. Ou un grand pays. New York, par exemple. Ou Moscou. Ou même Armaguedon. »

Il y eut un nouveau silence.

Puis Guerre se décida : « Mais Armaguedon, c’est où, exactement ?

— C’est marrant que tu demandes ça, dit Famine. Je m’étais toujours dit que j’allais me renseigner.

— Il existe un Armaguedon en Pennsylvanie, dit Pollution. Ou peut-être dans le Massachusetts, quelque part par là. Tout un tas de types avec de longues barbes et des chapeaux noirs, bien sérieux.

— Naaan, repartit Famine. C’est quelque part en Israël, je crois.

Le Mont Carmel.

« Je croyais qu’on cultivait les avocats, là-bas. »

Et la fin du Monde.

« Vraiment ? Ça représente un sacré avocat à faire pousser, ça.

— Il me semble que j’y suis déjà passé, fit remarquer Pollution. L’antique cité de Megiddo. Juste avant qu’elle s’écroule. Un endroit très agréable. La porte royale était très intéressante. »

Guerre considéra la verdure qui les entourait.

« Eh ben, on a sûrement dû se tromper de route quelque part. »

LES CONSIDÉRATIONS GÉOGRAPHIQUES N’ONT AUCUNE IMPORTANCE.

« Vous dites, monseigneur ? »

Si Armaguédon est quelque part, elle est partout.

« C’est bien vrai, approuva Famine. Ce n’est plus une question de quelques hectares de broussailles et de chèvres. »

Il y eut encore un silence.

Allons-y.

Guerre toussota discrètement. « Maisc je pensais quec qu’ilnous accompagneraitc ? »

La Mort rajusta ses gants.

C’EST UN TRAVAIL POUR LES PROFESSIONNELS, affirma-t-il d’un ton catégorique.

Après coup, le sergent Thomas A. Deisenburger se souvint que les événements s’étaient déroulés ainsi :

Une grosse voiture de l’état-major était arrivée au portail. Elle était élancée et avait une allure officielle, bien que, après coup, cependant, il ne soit plus complètement sûr de savoir pourquoi il avait eu cette impression, pas plus que celle, brièvement, quelle était mue par des moteurs de moto.

Quatre généraux en descendirent. Là encore, le sergent hésitait pour dire ce qui lui avait fait penser ça. Leurs papiers étaient en ordre. De quel genre de papiers il s’agissait, il l’admit, il ne s’en souvenait pas précisément. Mais ils étaient en ordre. Il salua.

Et l’un d’eux déclara : « Inspection surprise, soldat. »

Ce à quoi le sergent Thomas A. Deisenburger répondit : « Mon général, on ne m’a pas informé de la tenue d’une inspection surprise à cette date, mon général.

— Bien sûr que non, répondit un des généraux. Puisque c’est une surprise. »

Le sergent salua à nouveau.

« Mon général, permission de confirmer cette information auprès du commandant de la base, mon général », demanda-t-il, mal à l’aise.

Le plus grand et le plus maigre des généraux s’écarta légèrement du groupe, tourna le dos et croisa les bras.

L’un des autres passa amicalement le bras autour des épaules du sergent et se pencha en avant, comme un conspirateur.

« Allons, voyonsc » Il plissa les yeux pour mieux lire le badge du sergent « c Deisenburger, je vais peut-être vous faire une fleur. C’est une inspection surprise, vous saisissez ? Surprise. Ça signifie qu’il est interdit de bondir sur la sirène dès qu’on aura franchi la grille, c’est bien entendu ? On ne quitte pas son poste, non plus. Un militaire de carrière comme vous, je suppose que vous comprendrez, n’est-ce pas ? » ajouta-t-il avec un clin d’œil. « Sinon, vous allez vous retrouver cassé à un grade si inférieur que vous devrez saluer les démons mineurs. »

Le sergent Thomas A. Deisenburger écarquilla les yeux.

«  Simples soldats »,siffla un autre général. À en croire son badge, elle s’appelait Guayre. Le sergent Deisenburger n’avait encore jamais vu de femme général qui lui ressemblât, mais elle représentait un indiscutable progrès.

« Hein ?

—  Simples soldats. Pas démons mineurs.

— Ouais, c’est ce que je voulais dire. Ouais, les simples soldats. Bien compris, sergent ? »

Deisenburger prit en considération le nombre très restreint d’options qui s’offraient à lui.

« Mon général, une inspection surprise, mon général ?

— Provisoiresquement classificationnée à l’heure qu’il est », confirma Famine, qui avait appris pendant des années à passer des marchés avec le gouvernement fédéral et qui sentait le jargon lui revenir en bouche.

« Oui, mon général, affirmatif, répondit le sergent.

— Bon élément, jugea Famine tandis que la barrière se levait. Vous irez loin. » Il jeta un coup d’œil sur sa montre. « Sous peu. »

Sur certains points, les êtres humains ressemblent beaucoup aux abeilles. Celles-ci défendent farouchement leur ruche, tant que vous êtes à l’extérieur. Une fois que vous vous trouvez dans la place, les ouvrières supposent plus ou moins que la direction a autorisé votre présence et elles ne font plus attention ; ce phénomène a permis à divers insectes pique-assiette de développer un style de vie riche en miel. Les humains se comportent de la même façon.

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