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Mais désormais, Dick lui avait annoncé lui-même que l’heure des explications avait sonné.

— Pourquoi, demanda Sarah frémissante, pourquoi cette sinistre comédie ? D’où vient, Dick, que vous portez le vêtement de Fantômas ?

— Je ne puis vous fournir encore de renseignements à ce sujet, croyez-moi, Sarah.

— N’essayez pas de nier, Dick, s’écria Sarah de sa voix sifflante. Je vous ai surpris cette fois alors que vous alliez voir, dans cette villa mystérieuse, la femme que vous aimiez, que vous aimez encore et pour laquelle vous m’avez sacrifiée.

— De quelle femme voulez-vous parler ? interrogea-t-il.

— D’Hélène.

— Sur tout ce que j’ai de plus sacré, déclara Dick solennellement, je vous jure, Sarah, que je n’ai jamais eu et que je n’aurai jamais le moindre amour pour cette femme. J’ai dû vous le faire croire jusqu’à présent, j’ai fait ce mensonge indigne de vous et de moi, pour vous empêcher de partir pour l’Amérique, pour vous obliger à rester en France où je devais moi-même rester. Mais désormais je ne suis plus lié par le secret qui m’obligeait à vous mentir. Pardonnez-moi, Sarah, d’avoir torturé votre cœur en y semant le poison de la jalousie. Pardonnez-moi de vous avoir fait mal, jamais, au grand jamais, je n’ai été l’amant de la fille de Fantômas !

— Qu’alliez-vous faire alors dans cette maison de Ville-d’Avray, déguisé en Fantômas ? Vous alliez y voir quelqu’un, une femme, cette femme qui apparaît si mystérieusement, vêtue de blanc, et dont la chevelure…

— Vous l’avez vue, vous aussi, n’est-ce pas ? interrogea-t-il. Elle existe donc, cette femme. Vit-elle alors ? N’est-ce pas une illusion, un rêve que j’ai eu ? Un cauchemar ?

— Je l’ai vue, naturellement, Dick, comme vous l’avez vue peut-être, comme je vous vois en ce moment.

L’acteur s’écroula sur un fauteuil.

Puis il se traîna à genoux vers Sarah, d’une voix suppliante, joignant, les mains qu’il levait vers l’Américaine, il balbutia :

— Mais qui est-ce ? Au nom du ciel, Sarah, dites-le-moi. L’avez-vous reconnue ? La connaissez-vous ?

— Je ne connais pas cette femme, mais je suppose que ce doit être la fille de Fantômas qui se dissimule sous ce déguisement.

— Ah mon Dieu, vous devez avoir raison, Sarah ! Oui, si cela était vrai, ce serait l’explication. La fille de Fantômas cachée sous ce déguisement, parbleu, c’est certain.

Sarah Gordon, de plus en plus perplexe, interrogea encore :

— Dick, Dick, je vous en prie, changez d’attitude, ne parlez pas par énigmes ! Expliquez-moi le fond de votre pensée. Que signifient vos inquiétudes et vos joies, ces phrases entrecoupées ?

Dick ne semblait pas entendre les supplications de Sarah Gordon et désormais, d’une voix sépulcrale, comme s’il pensait tout haut, il affirma :

— L’apparition blanche, la fille de Fantômas, oui, ça ne peut être qu’elle. C’est elle assurément. Les morts ne reviennent pas.

— Dick, Dick, de grâce, expliquez-vous !

Alors l’acteur parut faire un effort surhumain, il épongea son front trempé de sueur, puis, s’asseyant en face de Sarah Gordon, d’une voix qu’il voulait rendre calme et posée, il commença :

— Écoutez-moi bien, Sarah, c’est un aveu effroyable que je vais vous faire. Vous voulez tout savoir. Soyez satisfaite : il y a quelque temps de cela, un mois, non, trois semaines à peine, moi, Dick, qui vous aime, moi l’honnête homme que vous avez toujours connu, eh bien…

L’acteur paraissait ne pas pouvoir continuer, sa gorge se serrait, il balbutiait des mots inintelligibles, des sons rauques s’échappaient de ses lèvres. Sarah Gordon, émue, effleura le front de Dick d’un baiser.

Dick tressaillit à ce délicieux contact, il recula.

Puis, comme si le baiser de Sarah lui eût donné du courage, il poursuivit, les yeux baissés, la voix haletante :

— Sarah, je dois vous l’avouer, moi, Dick, l’honnête homme, j’ai tué.

12 – LE PACTE EST ROMPU

M. Fuselier, qui travaillait à son bureau, jetant de temps à autre un regard anxieux à sa montre placée devant lui, leva la tête en entendant frapper à la porte de son cabinet.

— Entrez !

La porte s’ouvrit. Juve parut :

— Monsieur Fuselier, à vos ordres. Excusez-moi du retard. Votre dépêche m’a trouvé au lit.

— Vous étiez au lit, Juve ? En voilà un paresseux !

— Je réfléchissais, j’aime beaucoup réfléchir au lit, on y a toujours les idées nettes.

Juve parlait sérieusement. M. Fuselier qui venait de plaisanter se fit sérieux lui aussi :

— En effet, répondait-il, vous n’aviez peut-être pas tort de réfléchir. Plus je vais, plus j’étudie le terrible dossier de Fantômas et plus je m’effare de sa complexité. Je me demande presque si jamais je le tirerai au clair. Dites-moi, mon cher ami, avez-vous deviné pourquoi je vous ai demandé d’urgence ?

— Ma foi non. Vous désirez un renseignement sans doute ?

M. Fuselier interrompit Juve d’un geste de la main :

— Je vous ai fait demander, parce que je désire que vous assistiez à une entrevue qui va avoir lieu dans quelques instants. Lisez ceci.

Parmi les papiers épars de son grand bureau, M. Fuselier choisit une lettre qu’il tendit à Juve. Elle était recouverte d’une grande écriture intelligente, imaginative, elle était courte et sèche.

Juve y avait à peine jeté les yeux qu’il tressaillit puis il la lut à haute voix :

Monsieur Germain Fuselier, était-il écrit, je vous prie de bien vouloir m’entendre demain matin sans faute, j’aurais une plainte grave à déposer entre vos mains, une réclamation à faire valoir auprès de votre impartialité.

La lettre était signée :

Fantômas.

— Eh bien, demanda le policier, que pensez-vous de ceci ?

— J’allais vous poser la même question, répondit le juge.

— Non, je vous dirai mon sentiment après. Confiez-moi le vôtre, monsieur Fuselier.

Le magistrat, à cette question précise, toussa deux fois afin de prendre le temps de quelques réflexions, puis se décida :

— Vous voulez connaître mon sentiment, Juve, eh bien voilà : Fantômas commence à souffrir de la détention, de la captivité. Dans ma longue carrière de magistrat, j’ai pu constater que tous les grands criminels, au bout d’un certain temps d’emprisonnement, éprouvent un étrange et subit besoin de s’entretenir avec le magistrat instruisant leur affaire. Ils invoquent alors les prétextes les plus futiles, ils se plaignent de ceci ou de cela, toujours quand cette nervosité spéciale les atteint, ils finissent par en arriver aux confidences et aux aveux. Fantômas veut me voir, j’imagine que Fantômas va parler… Ma foi, interrogeait-il, vous n’avez pas l’air de me croire ?

— Je suis persuadé que vous vous trompez.

— Parce que ?

— Parce que Fantômas n’est pas un criminel ordinaire et que je donnerais ma tête à couper qu’il ne parlera pas. Il y a autre chose.

— Quoi ?

— Je ne sais pas. Autre chose, voilà tout. Avec Fantômas il faut s’attendre à tout. Vous l’avez fait extraire de sa cellule ?

— Oui, il est là. Il m’attend, voulez-vous que nous l’entendions ?

— Assurément.

— Eh bien, ordonnez qu’on introduise Fantômas.

Trois minutes plus tard, Fantômas apparaissait, hautain, sombre, impénétrable comme à l’ordinaire, marchant avec une superbe attitude d’arrogance, entre les deux gardes municipaux.

En entrant dans le cabinet de Germain Fuselier, il salua le magistrat d’un signe de tête avec une correction parfaite, puis haussant les épaules, il eut un sourire protecteur à l’adresse de Juve.

— Vous êtes trop aimable, dit-il. J’avais demandé à déposer entre vos mains une plainte, mais je n’avais pas exigé que la personne dont je me plains fût présente.

— Est-ce donc de moi que vous désirez vous plaindre, Fantômas ? demanda Juve.

— De vous, oui, Juve. Mais pas de vous seul.

— De qui donc d’autre ?

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