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Le Docteur, troussant sa robe derrière son cul.

Tu me prends donc pour un homme à qui l’argent fait tout faire, pour un homme attaché à l’intérêt, pour une âme mercenaire? Sache, mon ami, que quand tu me donnerais une bourse pleine de pistoles, et que cette bourse serait dans une riche boîte, cette boîte dans un étui précieux, cet étui dans un coffret admirable, ce coffret dans un cabinet curieux, ce cabinet dans une chambre magnifique, cette chambre dans un appartement agréable, cet appartement dans un château pompeux, ce château dans une citadelle incomparable, cette citadelle dans une ville célèbre, cette ville dans une île fertile, cette île dans une province opulente, cette province dans une monarchie florissante, cette monarchie dans tout le monde; et que tu me donnerais le monde où serait cette monarchie florissante, où serait cette province opulente, où serait cette île fertile, où serait cette ville célèbre, où serait cette citadelle incomparable, où serait ce château pompeux, où serait cet appartement agréable, où serait cette chambre magnifique, où serait ce cabinet curieux, où serait ce coffret admirable, où serait cet étui précieux, où serait cette riche boîte dans laquelle serait enfermée la bourse pleine de pistoles, que je me soucierais aussi peu de ton argent et de toi que de cela.

Le Barbouillé

Ma foi, je m’y suis mépris: à cause qu’il est vêtu comme un médecin, j’ai cru qu’il lui fallait parler d’argent; mais puisqu’il n’en veut point, il n’y a rien plus aisé que de le contenter. Je m’en vais courir après lui.

Scène III

Angélique, Valère, Cathau

Angélique

Monsieur, je vous assure que vous m’obligez beaucoup de me tenir quelquefois compagnie: mon mari est si mal bâti, si débauché, si ivrogne, que ce m’est un supplice d’être avec lui, et je vous laisse à penser quelle satisfaction on peut avoir d’un rustre comme lui.

Valère

Mademoiselle, vous me faites trop d’honneur de me vouloir souffrir, et je vous promets de contribuer de tout mon pouvoir à votre divertissement; et que, puisque vous témoignez que ma compagnie ne vous est point désagréable, je vous ferai connaître combien j’ai de joie de la bonne nouvelle que vous m’apprenez, par mes empressements.

Cathau

Ah! changez de discours: voyez porte-guignon qui arrive.

Scène IV

Le Barbouillé, Valère, Angélique, Cathau

Valère

Mademoiselle, je suis au désespoir de vous apporter de si méchantes nouvelles; mais aussi bien les auriez-vous apprises de quelque autre: et puisque votre frère est fort malade…

Angélique

Monsieur, ne m’en dites pas davantage; je suis votre servante, et vous rends grâces de la peine que vous avez prise.

Le Barbouillé

Ma foi, sans aller chez le notaire, voilà le certificat de mon cocuage. Ha! ha! Madame la carogne, je vous trouve avec un homme, après toutes les défenses que je vous ai faites, et vous me voulez envoyer de Gemini en Capricorne!

Angélique

Hé bien! faut-il gronder pour cela? Ce Monsieur vient de m’apprendre que mon frère est bien malade: où est le sujet de querelles?

Cathau

Ah! le voilà venu: je m’étonnais bien si nous aurions longtemps du repos.

Le Barbouillé

Vous vous gâteriez, par ma foi, toutes deux, Mesdames les carognes; et toi, Cathau, tu corromps ma femme: depuis que tu la sers, elle ne vaut pas la moitié de ce qu’elle valait.

Cathau

Vraiment oui, vous nous la baillez bonne.

Angélique

Laisse là cet ivrogne; ne vois-tu pas qu’il est si soûl qu’il ne sait ce qu’il dit?

Scène V

Gorgibus, Villebrequin, Angélique, Cathau, Le Barbouillé

Gorgibus

Ne voilà pas encore mon maudit gendre qui querelle ma fille?

Villebrequin

Il faut savoir ce que c’est.

Gorgibus

Hé quoi? toujours se quereller! vous n’aurez point la paix dans votre ménage?

Le Barbouillé

Cette coquine-là m’appelle ivrogne. Tiens, je suis bien tenté de te bailler une quinte major, en présence de tes parents.

Gorgibus

Je dédonne au diable l’escarcelle, si vous l’aviez fait.

Angélique

Mais aussi c’est lui qui commence toujours à…

Cathau

Que maudite soit l’heure que vous avez choisi ce grigou!…

Villebrequin

Allons, taisez-vous, la paix!

Scène VI

Le Docteur, Villebrequin, Gorgibus, Cathau, Angélique, Le Barbouillé

Le Docteur

Qu’est ceci? quel désordre! quelle querelle! quel grabuge! quel vacarme! quel bruit! quel différend! quelle combustion! Qu’y a-t-il, Messieurs? Qu’y a-t-il? Qu’y a-t-il? Çà, çà, voyons un peu s’il n’y a pas moyen de vous mettre d’accord, que je sois votre pacificateur, que j’apporte l’union chez vous.

Gorgibus

C’est mon gendre et ma fille qui ont eu bruit ensemble.

Le Docteur

Et qu’est-ce que c’est? voyons, dites-moi un peu la cause de leur différend.

Gorgibus

Monsieur…

Le Docteur

Mais en peu de paroles.

Gorgibus

Oui-da. Mettez donc votre bonnet.

Le Docteur

Savez-vous d’où vient le mot bonnet?

Gorgibus

Nenni.

Le Docteur

Cela vient de bonum est, «bon est, voilà qui est bon», parce qu’il garantit des catarrhes et fluxions.

Gorgibus

Ma foi, je ne savais pas cela.

Le Docteur

Dites donc vite cette querelle.

Gorgibus

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