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Désormais la plupart du temps je suis truie, c'est plus pratique pour la vie de la forêt. Je me suis acoquinée avec un sanglier très beau et très viril. Je reviens souvent à la ferme, le soir. Je regarde la télévision. J'ai téléphoné à la mère du directeur de la parfumerie. J'ai tout observé depuis la forêt le jour où l'équipe d'Un seul être vous manque est venue. Ils ont trouvé mes empreintes sur le revolver à côté des cadavres, l'audimat va exploser. Mais ils peuvent toujours me chercher, maintenant. Je ne suis pas mécontente de mon sort. La nourriture est bonne, la clairière confortable, les marcassins m'amusent. Je me laisse souvent aller. Rien n'est meilleur que la terre chaude autour de soi quand on s'éveille le matin, l'odeur de son propre corps mélangée à l'odeur de l'humus, les premières bouchées que l'on prend sans même se lever, glands, châtaignes, tout ce qui a roulé dans la bauge sous les coups de patte des rêves. J'écris dès que la sève retombe un peu en moi. L'envie me vient quand la Lune monte, sous sa lumière froide je relis mon cahier. C'est à la ferme que je l'ai volé. J'essaie de faire comme me l'avait montré Yvan, mais à rebrousse-poil de ses propres méthodes: moi c'est pour retrouver ma cambrure d'humain que je tends mon cou vers la Lune.

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