– Je ne sais plus au juste, laquelle, mais je savais que le vaisseau devait être d’origine américaine.
– Et alors?
– J’ai examiné le mouvement du port de Dundee et quand j’ai trouvé que le trois-mâts Lone Star était là en janvier 83, mes soupçons se sont changés en certitude. Je me suis alors informé des vaisseaux qui étaient à présent à l’ancre dans le port de Londres
– Et alors?
– Le Lone Star est arrivé ici la semaine dernière. Je suis allé au Dock Albert et j’ai appris que ce trois-mâts avait descendu la rivière, de bonne heure ce matin, avec la marée. J’ai télégraphié à Gravesend d’où l’on m’a répondu qu’il venait de passer et, comme le vent souffle d’est, je ne doute pas qu’il ne soit maintenant au-delà des Goodwins et non loin de l’île de Wight.
– Qu’allez-vous faire, alors?
– Oh! je les tiens. Lui et les deux seconds sont, d’après ce que je sais, les seuls Américains à bord. Les autres sont des Finlandais et des Allemands. Je sais aussi que tous trois se sont absentés du navire hier soir. Je le tiens de l’arrimeur qui a embarqué leur cargaison. Au moment où leur bateau touchera Savannah, le courrier aura porté cette lettre et mon câblogramme aura informé la police de Savannah qu’on a grand besoin de ces messieurs ici pour y répondre d’une inculpation d’assassinat.
Mais les plans les mieux dressés des hommes comportent toujours une part d’incertitude. Les assassins de John Openshaw ne devaient jamais recevoir les pépins d’orange qui leur auraient montré que quelqu’un d’aussi retors et résolu qu’eux-mêmes, était sur leur piste. Les vents de l’équinoxe soufflèrent très longuement et très violemment, cette année-là. Longtemps, nous attendîmes des nouvelles du Lone Star; elles ne nous parvinrent jamais. A la fin, pourtant, nous avons appris que quelque part, bien loin dans l’Atlantique, on avait aperçu, ballotté au creux d’une grande vague, l’étambot fracassé d’un bateau; les lettres «L. S.» y étaient sculptées, et c’est là tout ce que nous saurons jamais du sort du Lone Star.