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François Villon

Poésies diverses

Poésies diverses - pic_1.jpg

Ballade de bon conseil

Hommes failliz, bersaudez de raison,

Desnaturez et hors de congnoissance,

Desmis du sens, comblez de desraison,

Folz abusez, plains de descongnissance,

Qui procurez contre vostre naissance,

Vous subzmettans a detestable mort

Par lascheté, las! Que ne vous remort

L'orribleté qui a honte vous maine?

Voyez comment maint jeunes homs est mort

Par offenser et prendre autruy demaine.

Chascun en soy voye sa mesprison!

Ne nous vengons, prenons en pacïence:

Nous cognoissons que ce monde est prison

Aux vertureux franchis d'impacïence.

Batre, rouiller, pour ce n'est pas scïence;

Tollir, ravir, piller, meurtrier a tort:

De Dieu ne chault, trop de verité se tort

Qui en telz faitz sa jeunesse demaine,

Dont a la fin ses poins doloreux tort,

Par offenser et prendre autruy demaine.

Que vault piper, flater, rire en trayson,

Quester, mentir, affermer sans fïance,

Farcer, tromper, artifier poison,

Vivre en peché, dormir en deffïance

De son prouchain sans avoir confïance?

Pour ce conclus: de bien faisons effort,

Reprenons cueur, ayons en Dieu confort;

Nous n'avons jour certain en la sepmaine.

De noz maulx ont noz parens le ressort,

Par offenser et prendre autruy demaine.

Vivons en paix, exterminons discort;

Ieunes et vieulx, soyons tous d'ung accort:

La loy le veut, l'appostre ramaine

Licitement en l'epistre rommaine.

Ordre nous fault, estat ou aucun port.

Nottons ces poins, ne laissons le vray port,

P ar offensser et prendre autruy demaine.

Ballade des proverbes

Tant grate chievre que mau gist;

Tant va le pot a l'eaue qu'il brise;

Tant chauf'on le fer qu'il rougist,

Tant le maill'on qui qu'il se debrise;

Tant vault l'omme comme on le prise,

Tant s'esloigne il qu'il n'en souvient,

Tant mauvais est qu'on le desprise;

Tant crie l'on Noël qu'il vient.

Tant parl'on qu'on se contredit;

Tant vault bon bruyt que grace acquise;

Tant promest on qu'on se desdit;

Tant pri'on que chose est acquise,

Tant plus est chere, et plus est quise,

Tant la quiert on qu'on y parvient,

Tant plus est commune, et mains requise;

Tant crye l'on Noël qu'il vient.

Tant ayme on chien qu'on le nourrist;

Tant court chanson qu'elle est aprise;

Tant gard'on fruit qu'il se pourrist;

Tant bat on place qu'elle prise;

Tant tarde on que fault entriprise;

Tant se haste on que mal advient;

Tant embrasse on que chiet la prise;

Tant crye l'on Noël qu'il vient.

Tant raille on que plus n'en rit;

Tant despend on qu'on n'a chemise;

Tant est on franc que tout s'il frit;

Tant vault «tien» que chose promise;

Tant ayme on Dieu qu'on suyt l'eglise;

Tant donne on qu'emprunter convient;

Tant tourne vent qu'il chiet en bise;

Tant crye l'on Noël qu'il vient.

Prince, tant vit fol qu'il s'avise,

Tant va il qu'aprés il revient,

Tant le mate on qu'il se ravise;

T ant crye l'on Noël qu'il vient.

Ballade des menus propos

Je congnois bien mousches en laict,

Je congnois a la robe l'homme,

Je congnois le beau temps du lait,

Je congnois au pommier la pomme,

Je congnois l'arbre a veoir la gomme,

Je congnois quant tout est de mesmes,

Je congnois qui besoigne ou chomme,

Je congnois tout fors que moy mesmes.

Je congnois pourpoint au colet,

Je congnois le moyne a la gonne,

Je congnois le maistre au varlet,

Je congnois au voile la nonne,

Je congnois quant parleur gergonne,

Je congnois fols nourris de cresmes,

Je congnois le vin a la tonne,

Je congnois tout fors que moy mesmes.

Je congnois cheval et mulet,

Je congnois leur charges et leur somme,

Je congnois Bietrix et Belet,

Je congnois gect qui nombre assomme,

Je congnois visïon et somme,

Je congnois la faulte des Boesmes,

Je congnois le pouoir de Romme,

Je congnois tout fors que moy mesmes.

Prince, je congnois tout en somme,

Je congnois colorez et blesmes,

Je congnois Mort, qui tout consomme,

J e congnois tout fors que moy mesmes.

Ballade des contre vérités

Il n'est soing que quant on a fain

Ne service que d'ennemy

Ne mascher qu'ung botel de faing

Ne fort guet que d'homme endormy

Ne clemence que felonnie

N'asseurence que de peureux

Ne foy que d'hommes qui regnye

Ne bien conseillé qu'amoureux.

Il n'est engendrement qu'un boing

Ne bon bruit que d'homme benny

Ne riz qu'aprés ung cop de poing

Ne lotz que debtes mectre en ny

Ne vraye amour qu'en flaterye

N'encontre que de maleureux

Ne vray rapport que menterye

Ne bien conseillé qu'amoureux.

Ne tel repos que vivre en soig

N'oneur porter que dire fy

Ne soy vanter que de faulx coing

Ne santé que d'homme bouffy

Ne hault vouloir que couardye

Ne conseil que de furïeulx

Ne doulceur qu'en femme estoudye

Ne bien conseillé qu'amoureux.

Voulez vous que verté vous dye?

Il n'est jouer qu'en maladie

Letre vraye que tragedye

Lasche homs que chevalereux

Orrible son que melodye,

Ne bien conseillé qu'amoureux.

Ballade contre les ennemis de la France

R encontré soit des bestes feu gectans

Que Jason vit, querant la toison d'or,

Ou transmué d'omme en beste sept ans

Ainsi que fut Nabougodonosor,

Ou il ait guerre et perte aussi villaine

Que Troies ot pour la prise d'Elayne,

Ou mis de fait soit avec Tantalus

Et Proserpine es infernaulx palus,

Ou plus que Job soit en griefve souffrance,

Tenant prison en la tour Dedalus,

Qui mal voudroit au royaume de France!

Quatre mois soit en ung vivier chantans,

La teste au fons ainsi que le butor,

Ou au Grant Turcq vendu deniers contans

Pour estre mis au harnoys comme ung tor,

Ou trente ans soit, comme Magdelaine,

Sans drap vestir de linge ne de layne,

Ou soit noié comme fut Narcisus,

Ou aux cheveulx, comme Absalon pendus

Ou com Judas fut par Desesperance,

Ou puist mourir comme Simon Magus,

Qui mal voudroit au royaume de France!

D'Octovïen puist revenir le temps,

C'est qu'on luy coulle ou ventre son tresor,

Ou qu'il soit mis entre meulles flotans

En ung moulin, comme fut saint Victor,

Ou transglouty en la mer, sans alaine,

Pis que Jonas ou corps d'une baleine,

Ou soit bany de la clarté Phebus,

Des biens Juno et du solas Venus,

Et du dieu Mars soit pugny a oultrance

Ainsy que fut roy Sardanapalus,

Qui mal voudroit au royaume de France!

Prince, porté soit des serfs Yolus

En la forest ou domine Gloucus

Et soit privé soit de paix et d'esperance,

Car digne n'est de possider vertus

Qui mal voudroit au royaume de France!

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